Robert Kopp : D’un autre confinement, Boccace reconstruit la société par l’art du récit

Par moments, notre confinement nous fait perdre nos repères. Nous assistons comme à un effondrement du monde désormais privé de sa familiarité. Nous sommes interdits d’espace public, c’est-à-dire de la possibilité de rencontrer et de communiquer avec nos semblables. Nous les apercevons désormais dans des espaces virtuels. Nous n’avons plus prise sur la réalité. Notre vie devient factice, nous inspire une étrange inquiétude. C’est ce que Heidegger définit comme l’angoisse, qu’il distingue de la peur. On a peur de quelque chose, d’attraper le virus, par exemple.

Mais l’angoisse est un sentiment diffus, qui caractérise notre être-au-monde, qui sous-tend notre existence d’être libre, obligé de se choisir et de se saisir lui-même. Faire de tels choix existentiels est particulièrement difficile dans une crise qui vous sépare du monde. C’est l’expérience à laquelle sont confrontés les dix personnages du Décaméron, qui ont fui la terrible peste qui a ravagé Florence en 1348. On sait qu’ils s’immunisent en se racontant des histoires. Il s’agit de racontare, mais le terme utilisé est aussi ragionare, qui a partie liée avec ragione, la raison. Mais ragionare signifie également raisonner, donc parler, en s’adressant aux autres. E quivi ragionar sempre d’amore, dit Dante, auquel Boccace fait plus d’une allusion dans une canzone adressée à son maître Guido Cavalcanti. Se raconter des histoires pour remettre un peu d’ordre dans le monde chaotique qui est le leur, voilà ce que font les personnages du Décaméron.
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Boccace a trente-cinq ans en 1348 quand, " juste effet de la colère de Dieu", éclate la grande peste qui flagelle l'Italie. Composé dans les années qui suivent, le "Livre des dix journées " s'ouvrira sur ce tableau apocalyptique, à la force grandiose et terrible, qui n'a rien à envier à la description de la peste d'Athènes chez Thucydide. C'est en effet dans ce contexte que sept jeunes filles courtoises et trois jeunes hommes qui ont conservé leur noblesse d'âme se retirent sur les pentes enchanteresses de Fiesole pour fuir la contagion de Florence, devenue un immense sépulcre, et pendant deux semaines se réunissent à l'ombre des bosquets et se distraient chaque jour par le récit de dix nouvelles, une pour chacun, tantôt sur un sujet libre, tantôt sur un sujet fixé à l'avance pour tous, par la reine ou le roi de la journée. Tel est le premier chef d'œuvre de la prose littéraire en langue " vulgaire ".


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