"Le Triomphe des impostures intellectuelles" - De Helen Pluckrose et James Lindsay
Un best-seller américain enfin traduit en français nous raconte les origines et les principes des théories de l’identité du genre et de la race qui gangrènent l’université.
Eugénie Bastié: «Le wokisme, produit de l’âme désarmée»
Une actrice qui compte «les noirs dans la salle», des pronoms neutres pour ne pas offenser, un autodafé de bandes dessinées jugées racistes, une pièce de théâtre interdite, une conférence annulée, des portraits d’ancêtres décrochés, des statues déboulonnées, des toilettes transgenres…? il ne se passe plus un jour sans que le militantisme woke ne fasse l’actualité.
«Privilège blanc» «masculinité toxique», «grossophobie», «intersectionnalité», «hétéronormativité»: leur jargon prétentieux envahit l’espace public. Leurs postures radicales sont tellement fantaisistes qu’on finit par se demander s’il s’agit d’une menace bien consistante ou bien d’une minorité d’activistes sans réel pouvoir. La lecture de l’essai des deux intellectuels américains Helen Pluckrose et James Lindsay Le Triomphe des impostures intellectuelles vient nous démontrer qu’il faut prendre très au sérieux la théorie qui anime ces nouveaux utopistes. Foisonnant de références (nos auteurs ont pris la peine de lire tous les prophètes de la théorie critique) et écrit dans un style peu littéraire mais extrêmement clair, ce best-seller américain traduit pour la première fois en français est le livre qu’il faut lire pour tout comprendre aux racines et à l’ampleur du mouvement.
Helen Pluckrose : "Non, s'opposer au mouvement woke ne fait pas de vous un réactionnaire"
La journaliste alerte contre des théories sur la race ou le genre, obnubilées par les identités, qui gagnent du terrain à l'université, mais aussi dans les entreprises.
Ce fut un retentissant canular pour dénoncer le manque de rigueur des études en vogue sur le genre ou la race. En 2018, la journaliste britannique Helen Pluckrose, accompagnée par les universitaires Peter Boghossian et James Lindsay, envoya vingt articles loufoques à des revues en sciences humaines. Dans le lot, une analyse de la "culture du viol" chez les chiens, un plagiat de Mein Kampf dans lequel le mot "juif" était simplement remplacé par "blanc", ou une enquête sur l'impact du godemiché anal sur la transphobie chez les hommes hétérosexuels... Au moment où le Wall Street Journal révélait la supercherie, quatre de ces "études" avaient déjà été publiées, et trois autres étaient validées par des pairs. Nommée "The grievance studies hoax" ou "l'affaire Sokal au carré", la supercherie fit grand bruit, mais n'amusa guère les adeptes de ces champs académiques.
Après le poisson d'avril, place aux choses sérieuses. Dans le récent et passionnant Cynical theories (Pitchstone Publishing) co-signé avec James Lindsay, Helen Pluckrose passe au crible les fondements intellectuels de ces disciplines nommées théorie critique sur la race, études de genre, études postcoloniales ou décoloniales, théorie queer... Des théories obsédées par les identités comme par les systèmes d'oppression, et qui alimentent un nouveau militantisme que les anglo-saxons résument par le terme "woke", c'est-à-dire "éveillé" aux injustices sociales sur la race ou le genre. Rédactrice en chef du magazine Areo, Helen Pluckrose, qui se définit comme une humaniste et féministe libérale, explique à L'Express pourquoi selon elle ces nouveaux dogmes jargonneux s'apparentent à un mouvement religieux et représentent une menace pour le libéralisme classique hérité des Lumières. Entretien.