François Lecointre: «Je crains que la prise de conscience des Européens sur la guerre ne soit que passagère»
Le général a reçu mercredi 20 novembre le prix Aujourd’hui pour son livre Entre guerres (Gallimard). L’occasion d’évoquer avec lui la prise de conscience des Européens sur le retour de la guerre et l’importance, pour les démocraties, de ne pas négliger l’usage de la force.
Ancien chef d’état-major des armées et actuel grand chancelier de la Légion d’honneur, le général François Lecointre a publié Entre guerres (Gallimard, 2024).(...)
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’engagement en demi-teinte de la France, de l’Union européenne et des États-Unis dans la guerre en Ukraine?
Ce que je crains, c’est que les Européens ne remettent la tête dans le sable dès que ce conflit sera gelé. Car si nous considérons que ce en quoi nous croyons mérite d’être défendu, il faut s’armer et se préparer au combat. S’être bien préparé au combat nous évitera d’ailleurs sans doute de le mener. Mais je crains que la prise de conscience actuelle ne soit que passagère. Or ce dont je suis absolument certain, c’est qu’une fois que la situation en Ukraine sera gelée la Russie sera certes fatiguée, mais elle sera en économie de guerre, avec des capacités de production considérables. Et, en face, nous aurons des États membres de l’Union européenne très empressés de retourner à leur business as usual. Il ne faut pas imaginer que la Russie se gênera pour utiliser ce différentiel.
L’effort de défense doit donc être poursuivi dans la durée. C’est un effort qui nécessite des transitions industrielles, des montées en puissance qui sont longues et compliquées. Vous ne pouvez pas simplement dire: «Je dédie 100 milliards supplémentaires pour la défense» comme l’a fait l’Allemagne: cela ne veut rien dire et ne donnera rien. Il faut être constant dans l’effort de défense, car, autrement, on aura fait cela en pure perte. Et on sera très affaiblis face à des gens qui, eux, ne considèrent pas que le recours à la force soit illégitime.
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François Lecointre: «Je crains que la prise de conscience des Européens sur la guerre ne soit que passagère»