Judiciarisation du climat: la victoire de Shell n’éloigne pas tous les dangers - Par Vincent Bénard

Une cour d’appel néerlandaise a débouté des activistes néerlandais qui exigeaient que le groupe pétrolier Shell décarbone ses activités à marche forcée. Mais ce jugement, de par ses attendus, n’est pas la grande victoire espérée contre les excès de l’écologie politique.


Le 12 novembre 2024, la cour d’appel néerlandaise de La Haye a statué sur une affaire qualifiée de « procès climatique du siècle » opposant l’ONG écologiste Milieudefensie (la branche hollandaise des « Amis de la terre ») à Shell. Rappelons que L’ONG avait gagné en première instance, et exigeait une réduction massive (45%) des émissions de Shell sur l’ensemble de sa chaîne de production d’ici 2030. La cour d’appel a rejeté ces demandes, ce qui a été présenté par certains comme une victoire majeure contre l’extrémisme des ONG climato-alarmistes.

Cependant, l’avocat néerlandais Lucas Bergkamp, spécialiste notamment des réglementations scientifiques, se garde de tout triomphalisme. Sur son compte Linkedin, il écrit qu’une bataille a été gagnée contre l’extrémisme climatique, mais aussi que la cour a jeté les bases d’une série interminable de procédures à motivations climatiques contre les entreprises ou les gouvernements.

Les enseignements de l’arrêt

Voici les 4 éléments clés de l’arrêt, commentés dans une analyse que Me Bergkamp a publiée sur le site de la climatologue Judith Curry.

  1. Position sur la science climatique : la cour a appuyé ses décisions sur les rapports du GIEC, qu’elle qualifie de norme incontestable, sans évaluer les limites de leur autorité normative. Elle a même présenté la limitation du réchauffement à 1,5 °C comme un impératif scientifique, alors qu’il s’agit d’une valeur choisie uniquement par affichage politique.
  2. Reconnaissance d’un nouveau droit : la cour a qualifié de droit humain la protection contre le danger que représente le changement climatique, applicable aux États et aux entreprises. La cour affirme que cela crée une obligation juridique pour les grandes entreprises de contribuer à la transition énergétique, même si elle admet que cela puisse se produire au détriment potentiel d’autres droits, comme l’accès à une énergie abordable.
  3. Critique des objectifs irréalistes : Milieudefensie a demandé une réduction uniforme des émissions globales (45 %), mais la cour a souligné que ce chiffre représente une moyenne mondiale, inadaptée à une application stricte pour une seule entreprise. La cour a aussi estimé que forcer Shell à réduire ses émissions n’aurait aucun impact réel sur le climat, car d’autres fournisseurs combleraient la demande. La cour a donc rejeté la demande des ONG sur des critères utilitaristes mais aucunement sur des bases de droit classique telles que la liberté d’entreprendre.
  4. Conséquences pour les entreprises :l’arrêt ouvre la voie à une pression accrue sur les entreprises pour aligner leurs activités sur les objectifs climatiques mondiaux. Cependant, il n’ignore pas les limites pratiques et économiques de telles exigences, notamment l’impact sur l’économie et l’impact sur la vie quotidienne des ménages. C’est ce point qui a semble-t-il primé dans la décision de la cour finalement favorable à Shell.

Les procès-racket contre les grands groupes vont se reproduire

Cependant, ce verdict n’est qu’une victoire relative pour ceux qui s’opposent aux approches radicales de la transition climatique.

Ce procès démontre que la politisation de la question du climat a conduit, de facto, les juges à devenir des acteurs clés dans l’arbitrage des tensions entre objectifs environnementaux, intérêts économiques et droits de l’homme. Or, les bases scientifiques sur lesquelles ils fondent leurs décisions sont contestables, et ont été contestées lors du procès, notamment dans un long mémoire adressé au tribunal par trois vétérans de la science climatique, MM. Lindzen, Happer et Koonin.

De ce fait, les ONG activistes, malgré cette défaite, trouveront dans les attendus de l’arrêt matière à exploiter les bases juridiques créées par la politisation du climat, pour promouvoir leur combat fortement teinté d’anticapitalisme, au risque que leurs actions, si elles venaient à réussir, créent des dommages économiques irréparables notamment vis à vis des populations les plus faibles et les plus pénalisées par les restrictions énergétiques induites par la doctrine verte.

Cette tendance des ONG activistes est hélas favorisée par les gouvernements occidentaux et par les institutions de l’UE, dont les directives introduisent toujours plus d’obligations environnementales et bureaucratiques qui donneront aux ONG anticapitalistes de nouvelles prises pour intenter de telles actions.

Voilà pourquoi il est important que face à ces ONG, d’autres associations et organisations défendant les intérêts, les libertés, et le portefeuille des citoyens et ménages, puissent recueillir les moyens suffisants pour ne pas que les éco-activistes soient les seuls à pouvoir influencer le cours des tribunaux.
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