Mona Jafarian : «Ahou, ton corps comme arme de résistance face à leurs yeux obscurantistes»

L’étudiante iranienne Ahou Daryaei a déambulé dénudée dans les rues de Téhéran après avoir été agressée par les milices du régime des mollahs pour un voile mal ajusté samedi dernier. Ce symbole puissant nous exhorte à ne pas baisser la garde en France face à l’islamisme, soutient Mona Jafarian*.


*Mona Jafarian est cofondatrice de l’association Femme Azadi, auteur de « Je suis iranienne » (Éditions de l’Observatoire, 2024).

Génération après génération, les grandes photos de l’histoire sont connues de tous, à l’instar de « l’homme de Tiananmen » qui se tient seul face aux chars, devenu le symbole de la lutte pour la démocratie d’un peuple, à Pékin en 1989. Ahou Daryaei est devenue la femme qui se tient seule face aux corbeaux en tchador de la police des mœurs. Ahou, « biche » en persan, déambule, dans la grisaille de Téhéran, en sous-vêtements, devant son université où elle étudie la littérature française.

Elle vient d’être agressée par les milices du régime des mollahs pour une tenue qu’ils ont jugée non conforme aux injonctions islamiques. Ils lui déchirent ses vêtements, la brutalisent et comme signe de protestation absolue, elle se déshabille. Imposant à leurs yeux obscurantistes ce qu’ils redoutent le plus, le corps d’une femme.

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Ce corps qu’ils ont pris l’habitude de voiler de force, de battre, de violer, de torturer, de flageller, de pendre, de lapider pour le punir d’exister, de parler, de penser, de danser, de chanter, d’exister. Ce corps qu’ils ne savent pas gérer et qui les déstabilise. Son geste est si puissant qu’il leur faut de longues minutes pour l’arrêter. Elle prend le temps de s’asseoir, de se relever, de faire les cent pas, avant de s’éloigner pour être rattrapée, violemment battue et emmenée. Le monde autour d’elle semble figé. Personne n’ose intervenir et pourtant tous savent ce qu’elle risque. Elle le sait mieux que personne. Elle vient de froisser leurs croyances, de secouer leur dogme, de malmener leur Dieu toujours si susceptible pour lequel il faut sans cesse sacrifier des vies humaines mais qui ne se rassasie jamais.

Intouchable

Ahou n’a plus rien à perdre. Elle a décidé qu’elle ne courberait plus l’échine, qu’elle ne les laisserait plus lui imposer leur obscurantisme. Elle ne baisse pas la tête, elle regarde droit devant elle, les obligeant à baisser le regard et à lui tourner le dos. Elle ne tremble pas, elle ne faiblit pas. Le contraste entre son corps, sa peau, la lumière qu’elle dégage et la noirceur des tchadors qui l’entourent résume en une image le combat d’un peuple éclairé contre les forces obscures des mollahs.

Elle semble intouchable. Elle paraît invincible, l’espace de quelques minutes. Mais la réalité la rattrape. La violence, les coups, le sang, les cris. Tout bascule. Elle rentre dans l’Histoire avec un grand H tout en disparaissant dans les abîmes du régime, contraint d’annoncer qu’elle est folle et qu’elle a été internée en psychiatrie. Mentir pour tenter de minimiser la grandeur du geste de cette résistante qui ne montre qu’une fois de plus, la petitesse de leurs turbans.

Où est la folie dans la puissance d’une femme libre qui refuse l’inacceptable ? Où est la folie dans la lutte pour l’égalité des droits ? Comment déterminent-ils une maladie psychiatrique, eux qui pensent qu’une enfant doit être mariée dès ses premières règles, qu’une femme vaut la moitié d’un homme, qu’elle mérite de mourir à coups de pierre si elle n’est pas fidèle à celui qui a tous les droits sur elle ? Même celui de disposer de son corps quand bon lui semble.

Femme, Vie, Liberté

Comment peuvent-ils juger qu’un être humain est sain d’esprit quand ils pendent des jeunes à des grues au moment de leur satanée première prière à l’aube, quand après avoir invoqué leur Dieu, ils prennent les armes pour aveugler, mutiler ou tuer, quand la voix ou les cheveux d’une femme leur fait perdre tout contrôle d’eux-mêmes, quand ils pleurent l’imam Hossein mort il y a 1344 ans mais emprisonnent les familles de ceux qu’ils ont assassinés pour les réduire au silence ?

Qui sont-ils pour s’octroyer le droit de vie ou de mort sur tout un peuple ? Ne voient-ils pas que cet enfer qu’ils redoutent tant est devenu le quotidien du pays qu’ils occupent ? Comment craindre encore les flammes du diable, quand ceux qui vous gouvernent en sont l’incarnation même ? Ahou s’est sacrifiée. Pas à Dieu mais pour son peuple. Le regard du monde qui s’était détourné ne peut plus quitter son corps des yeux. Femme, Vie, Liberté est à nouveau dans tous les esprits. Les gens réalisent que depuis plus de deux ans, les Iraniennes et les Iraniens n’ont jamais cessé de résister.

Son acte de bravoure a fait jaillir le pire et le meilleur. Les humanistes saluent son courage. Les opportunistes tentent de le détourner pour fragiliser notre laïcité. Ahou a défié les injonctions patriarcales, elle a piétiné les lois du « tout-puissant », elle a écrasé l’islamisme et elle nous a rappelé que la liberté et la démocratie sont des valeurs si puissantes et si vitales qu’on peut être prêt à tout pour les obtenir. Elle nous a permis de voir où sont nos ennemis, ici même en France. Ceux qui œuvrent par populisme, par ambition électorale ou par idéologie pour affaiblir nos principes républicains. Elle est le rappel puissant que le voile ne sera jamais un signe d’émancipation de la femme, que la religion devient liberticide et meurtrière dès qu’on lui donne le pouvoir d’agir.

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Ahou ne doit pas devenir juste un symbole puissant de la lutte des femmes, elle doit être un rappel à notre société qu’il ne faut jamais lâcher de terrain à l’obscurantisme. Cette vidéo d’elle ne peut que me rappeler les mots de Mickaëlle, sœur de Samuel Paty qui disait « si la majorité se tait ou se met à genoux, ceux qui restent debout deviennent des cibles ». Ahou est restée debout, à nous d’être à la hauteur de son geste. Son courage nous oblige. Le peuple iranien mène, chaque jour, sa lutte pour pouvoir un jour avoir la chance de vivre dans un pays démocratique, libre et laïc à l’image de la France. Rendons nous compte de notre chance et ne baissons jamais la garde. Femme, Vie, Liberté et laïcité.

Mona Jafarian: «Ahou, ton corps comme arme de résistance face à leurs yeux obscurantistes»
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