Anne-Sophie Chazaud, Philippe d'Iribarne et Régis de Castelnau : La loi Avia est évidemment une atteinte gravissime à la liberté d’expression.

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Atlantico.fr : La loi Avia intervient dans un contexte où les débats d’opinion  semblent de plus en plus tendus, antagonistes, violents, avec notamment une génération rompue aux échanges vifs sur les réseaux sociaux. Pourquoi cependant cette loi n’est-elle pas adaptée au contexte actuel ?

Anne-Sophie Chazaud : S’il est vrai que les réseaux sociaux sont un lieu où s’échangent parfois des propos agressifs voire violents et s’il semble exister un relatif consensus pour dénoncer ces excès, la volonté de mettre cet espace de libre parole en coupe réglée et sous contrôle inquisitorial ne fait absolument pas l’unanimité.

Les grandes plateformes internet peuvent effectivement servir de déversoir sans filtre aux propos les plus débridés. Chacun de nous en a fait l’expérience : il n’est qu’à lire parfois certains commentaires que peuvent laisser des internautes sous les articles publiés en ligne, sur les publications Youtube, ou encore les noms d’oiseaux qui peuvent s’échanger sur Twitter ou Facebook, avec parfois l’onction de l’anonymat et l’active agitation des trolls (où la Macronie n’est pas en reste), pour admettre qu’on peut à l’occasion avoir le sentiment de visiter des égouts peu ragoutants où s’épand l’absence de capacité à argumenter selon les règles du respect, de la courtoisie, de l’humanisme et du débat contradictoire.

Pourtant, résumer les réseaux sociaux à cette vision caricaturale (dont, du reste, il est facile de se protéger soit en ne les lisant pas, soit en pratiquant des blocages, soit enfin en portant en justice les cas caractérisés de cyber-harcèlement) est une manière bien pratique pour le pouvoir et la pensée dominante de jeter le bébé de la liberté d’expression avec le bain de ses inévitables excès.

Rappelons que les réseaux sociaux sont aussi ce lieu merveilleux de liberté, unique, grâce auquel la pensée non consensuelle peut circuler en dehors des vérités officielles et se confronter au dissensus. Ils sont une véritable agora contemporaine où s’exerce le débat public. Cette liberté a démontré son impérieuse utilité en matière démocratique par exemple lors de l’affaire Benalla, lors de la répression violente des mouvements de Gilets Jaunes, permettant de mettre en lumière sans conteste de nombreuses violences policières dont le peuple français a été l’objet ou encore lors des manifestations hostiles à la réforme des retraites. Sans les réseaux sociaux, la fausse information officielle et propagandiste de la fausse attaque de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, opportunément exploitée par le gouvernement, n’aurait pas pu être démontrée, étant entendu que de nombreux médias mainstream étaient prompts à relayer sans scrupules le discours officiel. Sans les réseaux sociaux, les manigances et l’impéritie des pouvoirs publics français concernant la gestion calamiteuse de la crise sanitaire du Covid-19 n’auraient pas pu être mises en lumière. Songeons notamment à la tragi-comédie des masques, de l’absence de tests, des manipulations d’opinion autour de la question des traitements. Sans les réseaux sociaux, les innombrables scandales de verbalisations zélées lors du confinement n’auraient pas pu éclater au grand jour, comme l’affaire honteuse de cette femme mise à l’amende pour avoir communiqué avec son mari, résident en Ehpad, au travers d’une vitre à l’aide de quelques mots griffonnés tendrement sur une ardoise, ou encore cet homme empêché par la gendarmerie de se rendre au chevet de son père mourant. Les exemples furent innombrables.

Les réseaux sociaux sont à l’heure actuelle un véritable contre-pouvoir et c’est bien ce qui dérange. Prendre le prétexte des excès qui s’y déroulent est donc le moyen commode d’un pouvoir liberticide et autoritaire pour mettre le couvercle sur cette libre agora au moment même où la société française, au bord de l’implosion, en a le plus besoin. Mettre le couvercle sur une marmite n’a jamais fait ses preuves en matière de thermodynamique, non plus qu’au plan de l’intelligence politique. Il est arrivé que cela se termine à la Bastille…

Régis de Castelnau : Une première observation s’impose, la conflictualité est inhérente au politique et elle s’exprime et se résout dans l’espace public. Le propre d’un cadre normatif dans un système démocratique est justement de permettre le débat et l’affrontement des opinions, le juge de paix étant l’élection. De ce point de vue, il ne faut pas se tromper, les débats et les échanges de la période actuelle sont plutôt moins violents que par le passé. J’invite sur ce point à la lecture des débats parlementaires ou de la presse pendant la première guerre mondiale pourtant époque « d’union sacrée », c’est assez impressionnant. Le problème que pourrait poser l’exercice de la liberté d’expression aujourd’hui est celui de l’existence des réseaux numériques réalisant une véritable révolution en donnant une parole en temps réel au plus grand nombre ce qui est quand même qu’on le veuille ou non un progrès démocratique. Cette parole charrie comme toujours le pire et le meilleur, et il est quand même inquiétant que le pouvoir d’État réagisse comme il le fait avec cette succession de lois liberticides. Le texte « proposé » par Madame Avia n’étant qu’un avatar d’une entreprise d’encadrement mise en œuvre depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir et visant à limiter drastiquement la liberté d’expression avec deux objectifs : contrôler l’information, et empêcher la parole dissidente. Il est quand même curieux d’être contraint de rappeler que la démocratie est fondée sur l’égalité de n’importe qui avec n’importe qui. Et que l’accès à l’expression et au débat du plus grand nombre ne devrait pas être considéré comme un danger. Lorsque la IIIe République fut suffisamment solide, et afin de garantir le respect de la déclaration de l’Homme et du citoyen fut adoptée une loi de protection de la liberté d’expression. Parmi ses principes figurait celui que cette liberté fondamentale pouvait être limitée si nécessaire par la loi, mais dès lors que les restrictions étaient strictement proportionnées à l’objectif d’intérêt général poursuivi et que le contrôle de ce nécessaire équilibre n’appartenait qu’au Juge. La loi sur la presse de 1881 fonctionne depuis presque 140 ans et jusqu’à présent on pouvait considérer que la liberté d’expression existait dans notre pays. Malheureusement, depuis le mandat de François Hollande et maintenant d’Emmanuel Macron, la France a dégringolé dans les classements internationaux de la liberté de la presse, « la patrie des droits de l’homme » se trouvant aujourd’hui à la 34e place sur 180 pays… l’inadaptation de la loi Avia au « contexte actuel » est d’abord due à son caractère liberticide.
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