Philippe Bilger : Délires judiciaires...
Quand tout semble aller à vau-l'eau sur le plan judiciaire, on a
le droit de délirer.
J'écris "semble" parce que des magistrats dévoués,
compétents et courageux, au parquet comme au siège, en première instance comme
en appel, ont continué d'assumer leur mission en l'absence, souvent, d'avocats
qui déploraient de n'avoir pas toutes les garanties sanitaires.Je relève aussi que l'institution a été livrée à la garde des Sceaux, donc à elle-même, en regrettant que jamais elle n'ait été mise explicitement au rang des préoccupations gouvernementales. De quoi donner le moral aux serviteurs de ce service public capital !
Alors pourquoi évoquer, dans mon titre, des "délires judiciaires" alors que j'ose leur donner un contenu positif ? Comme des avancées qui ne seront jamais concrétisées parce que trop provocatrices mais qui pourtant auraient l'heureux effet d'éradiquer mille dysfonctionnements au centre et dans la périphérie de la Justice et de vider la bureaucratie omniprésente de sa substance. Il y a des révolutions dont l'absence me pèse.
En vrac donc, si on veut bien accepter ma volonté d'aller puiser partout et ma certitude que rien ne serait impossible mais que tout est inconcevable à cause de la droite et de la gauche ; elles sont paradoxalement jumelles dans leur perception à la fois confortablement humaniste, frileuse et sans souci de l'efficacité et, au fond, des désirs du citoyen.
Garder
l'Ecole nationale de la magistrature mais la réformer de fond en comble pour
qu'elle sorte du narcissisme judiciaire - ce que la société lui doit - au
bénéfice de l'exigence démocratique - ce qu'elle doit à la société. Un tel
changement de perspective modifierait tout et serait bienvenu.