Anne Coffinier : C’est le moment de se battre pour préserver la liberté d’enseignement
L’association Créer son école, dont vous êtes la présidente, a adressé aux sénateurs, le mardi 23 mars, une note sur les dispositions du projet de loi confortant le respect des principes de la République relatives à l’instruction en famille et aux écoles hors contrat signée par des juristes de renom. Qu’est-ce qui a motivé cette action ?
Le Sénat se prononcera, début avril, en formation plénière sur le projet de loi confortant le respect des principes républicains (anciennement nommée loi contre le séparatisme). Ce projet gouvernemental a été très fortement critiqué pour son caractère liberticide, qui est particulièrement paradoxal pour un projet de loi censé renforcer le respect des principes républicains. Sur le volet éducatif, le texte prévoit d’interdire l’instruction en famille, sauf pour une poignée de cas soumis à un régime « punitif » d’autorisation préalable. Après des débats mouvementés, l’Assemblée nationale s’est rangée à la volonté gouvernementale. La commission du Sénat, en revanche, a voté courageusement la suppression de l’article 21 qui interdisait l’instruction en famille. À présent, nous espérons que le Sénat, en formation plénière, entérine cette suppression. Traditionnel défenseur des libertés publiques, la haute assemblée ne devrait pas céder aux pressions gouvernementales.
Si l’objectif mis en avant, à l’origine, par le gouvernement était de lutter contre le séparatisme islamiste puis le séparatisme social (concept indéfini), il est vite apparu évident pour tout le monde qu’il ne constituait pas le vrai but de cette loi, qui ne comporte d’ailleurs pas une seule disposition relative à l’école publique, alors que c’est le principal théâtre de la montée de l’emprise islamiste (comme l’a établi Jean-Pierre Obin, par exemple, ou, de manière sanglante, l’assassinat de Samuel Paty), mais qui prend habilement prétexte d’une possible instrumentalisation de la liberté d’enseignement pour tenter de restreindre fortement cette liberté en interdisant l’école à la maison et en restreignant, par des contrôles et sanctions disproportionnés, l’essor des écoles privées hors contrat. L’étude d’impact de la loi est particulièrement indigente à ce propos. Aucun chiffre, aucune preuve, mais une suspicion de principe à l’encontre des parents. Interdire ou surcontrôler les parents qui font l’école à la maison en déclarant scrupuleusement leur choix aux autorités compétentes n’aidera en aucune manière à identifier et à contrôler les enfants qui ne bénéficient d’aucune forme d’instruction déclarée. Au contraire, en créant un climat et un régime juridique fondés sur une suspicion de principe à l’égard des familles pratiquant l’école à la maison, on crée toutes les conditions d’une explosion des formes d’instruction non déclarées.