Nicolas Baverez : Les libertés au temps du coronavirus
Toutes les démocraties ont ainsi été télescopées par le coronavirus. Certaines, à l'image de la Corée du Sud ou de Taïwan, de l'Allemagne ou de la Suède, ont fait preuve d'une remarquable résilience. Grâce à l'anticipation du choc par l'État dès la fin 2019, à la montée en puissance du système de santé, à des finances publiques saines, à la mobilisation de leur appareil industriel et des technologies de l'information, au civisme de leurs citoyens, elles ont limité le nombre des victimes et les dommages économiques tout en préservant le fonctionnement de leur État de droit.
À l'inverse, les pays cumulant un État et des gouvernements fragilisés, des finances dégradées, une forte désindustrialisation et une société divisée ont été très lourdement atteints et mettront beaucoup de temps à se remettre. Les nations dirigées par des leaders populistes qui se sont enfermés dans un long déni de la réalité avant de lui rechercher des boucs émissaires acquittent un prix très élevé, qu'il s'agisse des États-Unis de Donald Trump, du Royaume-Uni de Boris Johnson ou du Brésil de Jair Bolsonaro. Enfin les autocrates, tel Viktor Orbán, n'ont pas manqué d'utiliser la crise pour renforcer la concentration du pouvoir entre leurs mains, désarmer l'État de droit, affermir encore leur emprise sur l'économie et la société.