Droit à l’aide à mourir : «J’irai économiser sur vos tombes» - Par Frédéric Douet

À la suite de l’adoption en première lecture par l’Assemblée ce 27 mai du projet de loi créant un droit à mourir, l’universitaire Frédéric Douet regrette une législation économiquement injuste et qui pourrait exercer une pression sur nos compatriotes âgés les plus démunis.

Frédéric Douet est professeur à l’Université Rouen-Normandie.


Le 27 mai, 305 députés contre 199 ont adopté la proposition de loi créant un «droit à l’aide à mourir». Comme en toutes choses, il y a «ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas» (Fr. Bastiat, 1850). Parmi les différentes problématiques que cette loi soulève (morales, éthiques, religieuses, …), il en est une qui n’a été évoquée que du bout des lèvres, en l’occurrence sa dimension économique. Cette question est glaçante. Elle met en balance d’un côté, le coût des frais de santé inhérents à la fin de vie et, de l’autre, les économies que l’État espère réaliser en mettant en œuvre une politique en faveur de l’euthanasie. Cela renvoie à une conception utilitariste de la vie humaine et à une société ayant le consumérisme pour valeur cardinale. Sous cet angle, le monde idéal est un monde dans lequel tout à un prix et, par conséquent, tout se marchandasse, y compris l’homme lui-même.

Chacun se souvient de la triste et prémonitoire sortie de Pierre Bergé : «louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ?». De son côté, Jacques Attali écrivait déjà en 1981 : «L’euthanasie sera un instrument essentiel de nos sociétés futures» (L’Avenir de la vie, Éd. Seghers, 1981). Cela revient à réduire les êtres humains à la fois à l’état de produits et de consommateurs compulsifs s’accomplissant dans l’acte d’achat. Avec ce modèle sociétal, tout ce qui les relie à l’ancien monde (famille, religion, morale, propriété, immobilier, héritage, …) est regardé comme un frein au libre-échange dans une économie mondialisée. Cette logique délétère conduit à vouloir déraciner les individus et, le moment venu, à les mettre ni plus ni moins qu’au rebut. Les politiques ont oublié que leur rôle est de comprendre les citoyens et non de vouloir faire leur bonheur contre leur gré, y compris jusque dans leur tombe. Le processus politique s’est ainsi dissocié du peuple. Preuve en est que l’immense majorité du monde médical se dit opposée au «droit à l’aide à mourir».

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