L’appel de 600 psys contre l’euthanasie : « Comment peut-on prétendre prévenir le suicide tout en légitimant la mort provoquée ? » - Par Tribune collective
TRIBUNE COLLECTIVE - Plus de 600 psychologues, psychiatres et psychanalystes alertent sur les terribles conséquences de la proposition de loi Falorni qui inclut les « souffrances psychologiques » dans les critères d’éligibilité à la mort provoquée.
Nous, psychologues, psychiatres et psychanalystes, nous indignons face à une incohérence majeure : comment peut-on prétendre prévenir le suicide tout en légitimant, dans certains cas, la mort provoquée ? Ce double discours est éthiquement et cliniquement insoutenable, et politiquement incohérent. Comment soutenir nos patients contre la pulsion de mort qui les traverse, tout en validant que, pour certains, le passage à l’acte serait une solution ?
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En autorisant l’euthanasie et le suicide assisté, la société envoie un message terrible : certaines vies ne mériteraient plus d’être vécues. Pour ceux qui vacillent déjà, ce signal peut suffire à les faire basculer. C’est une ligne rouge que nous ne devons pas franchir. En tant que psys, notre rôle est précisément d’aider les personnes en détresse à retrouver leur place dans le monde, à ne pas céder au sentiment d’inexistence ou au désir d’exclusion. Légaliser la mort provoquée, c’est affirmer qu’il existe deux types de souffrances : celles qui méritent un accompagnement et celles qui justifieraient l’élimination de celui qui souffre. Cette logique est une bombe à retardement pour la prévention du suicide. Comment convaincre une personne désespérée de s’accrocher à la vie si la société elle-même admet que, dans certains cas, la mort est une issue légitime ?
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Chaque jour, nous recevons des patients persuadés que leur souffrance est sans issue. Notre mission est de leur montrer qu’il existe des moyens de l’apaiser, de redonner du sens à leur existence. Si la mort provoquée devient une option légale, elle enverra un message contradictoire : alors que nous luttons pour détourner nos patients du suicide, la société leur dira que, dans certains cas, leur disparition est acceptable. Ce paradoxe fragilise notre travail et érode la confiance de ceux qui cherchent une issue à leur détresse.
Nous le savons : le désespoir est un état temporaire, parfois long, mais jamais une fatalité. Nous avons vu des patients sombrer puis retrouver goût aux liens et au monde. Mais combien, si l’euthanasie devient un droit, renonceront avant même d’avoir eu le temps de ce travail ? Combien de personnes fragiles, âgées, malades ou simplement en souffrance, se sentiront peser sur elles cette pression invisible les poussant à disparaître ?