Référendum : « En cas de réponse négative, le redressement des finances publiques serait durablement compromis » - Par Jean-Eric Schoettl
Dans un entretien accordé à Epoch Times, l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel Jean-Eric Schoettl revient sur les référendums et leur utilisation sous la Ve République.
L’auteur de La Démocratie au péril des prétoires (Gallimard, coll. « Le Débat » 2022) analyse également le référendum sur le budget de l’État évoqué par François Bayrou.
Epoch Times : Jean-Eric Schoettl, quels types de référendums prévoit la Constitution au niveau national ?
Jean-Eric Schoettl - Il y en a deux : le référendum constitutionnel (article 89) et le référendum législatif (article 11).
La révision constitutionnelle de l’article 89 présuppose, avant la convocation du peuple souverain, un texte voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Impossible aujourd’hui, compte tenu de l’éclatement de l’Assemblée nationale. Quant à lui, le « référendum législatif » de l’article 11 procède du président de la République, mais peut aussi résulter, après contrôle préalable du Conseil constitutionnel, de l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs (RIP).
Le référendum législatif, tel que le prévoit actuellement la Constitution, ne peut porter sur n’importe quel thème. L’article 11 circonscrit strictement le domaine éligible à la consultation populaire. Le projet de loi soumis au référendum doit porter « sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». N’entrent dans le champ de l’article 11 de la Constitution ni les réformes pénales, ni les réformes purement fiscales, ni les questions migratoires, ni les débats de société ou de bioéthique.
Le Conseil constitutionnel a par exemple jugé en 2022 que l’imposition de bénéfices exceptionnels n’entrait pas dans ce champ. Un référendum sur les retraites serait bien, quant à lui, relatif à « la politique économique et sociale de la Nation », mais cela ne suffirait pas à le rendre constitutionnellement possible. Il faudrait qu’il s’agisse d’une véritable réforme. Ainsi, la proposition de RIP examinée par le Conseil constitutionnel le 14 avril 2023, qui se bornait à cristalliser à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite, n’a pas été considérée comme une « réforme » par le Conseil constitutionnel.
Une partie importante des finances publiques – à commencer par les dispositions relevant exclusivement des lois de finances et de financement de la sécurité sociale – échappent à l’article 11. La Constitution les réserve en effet à un vote du Parlement, dans les conditions prévues par une loi organique. Échappent également à l’article 11, parce que relevant d’une loi constitutionnelle, des questions comme l’instauration d’une règle d’or budgétaire.
Un projet de loi référendaire de l’article 11 ne peut empiéter ni sur les matières réservées aux lois de finances, aux lois de financement de la sécurité sociale et aux lois de programmation des finances publiques, ni sur les questions financières de niveau constitutionnel. Cela restreint d’autant le périmètre du référendum sur les finances publiques envisagé par François Bayrou.
La portée limitée de l’article 11 est une des raisons pour lesquelles le référendum est, aujourd’hui, un thème de débat plutôt qu’une pratique : on en parle beaucoup, on en fait peu. On n’en a jamais autant parlé que depuis qu’on n’ose plus en convoquer, c’est-à-dire depuis vingt ans. D’où l’idée de modifier l’article 11 de la Constitution pour en élargir le champ et promouvoir la démocratie participative.
Deux types de modifications de l’article 11 de la Constitution, relatif au « référendum législatif », sont couramment évoquées : étendre son champ, notamment aux « questions de société » ; favoriser les initiatives citoyennes, soit en assouplissant les conditions de déclenchement du référendum d’initiative partagée entre parlementaires et citoyens (RIP), soit en instituant un référendum d’initiative populaire (RIC). Il est également question, s’agissant du RIP, de rendre possible une pétition citoyenne précédant le ralliement d’un nombre suffisant de parlementaires. Tous ces élargissements pourraient se cumuler.