Il faut supprimer toutes les niches fiscales, rendre tous les Français égaux face à l’impôt - Par Jean-Philippe Delsol
Ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin envisage de faire 10% de coupes dans les niches fiscales pour gagner environ 8Md€ de ressources fiscales permettant de faire « un peu pour l’État et beaucoup pour les baisses d’impôts ». Pourtant, à défaut de supprimer toutes les niches, nous risquons de n’en supprimer aucune. Certes, elle parviendra peut-être à faire disparaître quelques dizaines de ces niches qui, dit-elle, « bénéficient à moins de 100 contribuables ».
Appelées « dépenses fiscales », ces niches sont stupides en effet.
- La réduction d’impôt sur le revenu à raison des intérêts perçus au titre du différé de paiement accordé à des exploitants agricoles a profité en 2024 à 5 ménages.
- L’exonération de l’indemnité de départ volontaire versée dans le cadre d’une restructuration ou d’une réorganisation du ministère de la Défense a profité à 63 ménages en 2024.
- L’étalement sur quatre ans de l’imposition du montant des primes versées par l’Etat aux sportifs médaillés des Jeux olympiques et paralympiques et à leur guide a concerné 50 contribuables.
- 350 ménages se sont prévalus de la déduction des dépenses d’amélioration afférentes aux propriétés non bâties.
- Quant à la réduction d’impôt sur le revenu en faveur des logements donnés en location dans le cadre d’une convention ANAH (dispositif Loc’Avantages), aucun ménage n’en a été bénéficiaire en 2024.
Le même impôt pour tous
Derrière la plupart des niches il y a des chiens qui aboient très fort quand on touche à leur os. Les niches les plus importantes concernent des millions de contribuables et autant d’électeurs. L’abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites a coûté 4,544 Md€ en 2024 et bénéficié à près de 15 millions de foyers fiscaux. Le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile a coûté 6,17 Md€ pour le bénéfice de 4 487 333 ménages.
Et, démagogie électorale oblige, il devient alors politiquement impossible d’y toucher. Sauf si tous étaient soumis à la même loi et si tous se retrouvaient égaux devant l’impôt et devant un impôt plus raisonnable. Il leur serait beaucoup plus difficile de faire valoir des privilèges.
Dans un article récent, j’ai déjà soutenu l’intérêt d’instaurer une flat tax, un impôt à taux unique, simple et modeste en contrepartie de la suppression de toutes les niches. Cette idée que l’IREF défend depuis plus de vingt ans fait son chemin. Elle permettrait de redonner envie de travailler, d’investir, d’innover, d’épargner aux Français qui sauraient instantanément le revenu net qui leur resterait après paiement d’un impôt dont le montant ne serait plus dirimant. Le taux de l’impôt pourrait être abaissé (j’ai proposé 15% uniformément au-delà d’une franchise proche de l’abattement actuel pratiqué) parce que l’assiette de l’impôt serait augmentée par la disparition des niches, mais aussi et peut-être plus encore par la dynamique économique qu’un tel impôt créerait.
L’Etat à la niche
L’allégement des impôts comme celui des normes et contraintes administratives redonnerait à tous de l’autonomie, de la capacité de décider et d’agir. Il leur rendrait du temps, économisé sur les obligations déclaratives et autres, et de l’argent en maximisant leur revenu net. Mais plus encore, il contribuerait à redonner à chacun plus d’autonomie et de responsabilité, à lui permettre de se réapproprier sa vie, à maîtriser son destin sans dépendre d’un Etat qui aujourd’hui lui dicte son comportement en subventionnant certains actes ou décisions et en en taxant d’autres. C’est l’Etat qui retournerait à la niche. Les individus retrouveraient leur liberté et celle-ci est la clé du progrès, de l’innovation, de la créativité qui, de la révolution industrielle à l’IA, ont permis de sortir le monde de la pauvreté.
Plus encore, cette simplification concourrait à redonner aux individus du sens à leur vie, à répondre aux aspirations constitutives de l’être humain en quête de son devenir, à la poursuite de ses fins par lui-même ou dans le cadre des communautés naturelles ou institutionnelles qui tissent sa vie sociale.
Le démon des politiques
L’intérêt tout à la fois politique, économique et philosophique de la simplification fiscale et administrative commence à être compris. Mais les propositions qui se font jour ne sont pas toujours cohérentes. L’organisation patronale U2P, qui représente les commerçants et artisans, propose de supprimer la CSG/RDS sur les seuls revenus d’activité, les autres, et notamment les pensions, continuant d’y être soumis. Le parti UDR d’Éric Ciotti veut une flat tax à deux taux et la suppression de nombre de niches, mais il supprime la CSG qui est déjà presqu’une flat tax. Dommage !
Outre la RDS au taux uniforme de 0,5%, la CSG est prélevée au taux de 9,2% sur les revenus d’activité et du patrimoine et à un taux de 3,8%, 6,6% ou 8,3% sur les pensions de retraite selon leur importance. A l’heure où la question de la contribution fiscale des retraités est posée, il pourrait être envisagé de réduire la CSG des revenus d’activité au niveau de celle des retraités et si possible de retenir le même taux pour tous, peut-être celui de 6,6%. Ce serait aussi l’occasion de supprimer les quelques niches qui réduisent indument l’assiette de la CSG : titres restaurant, chèques vacances, chèque emploi service universel (CESU) préfinancé et des avantages des comités sociaux et économiques…
La CSG serait ainsi perçue uniquement à des fins fiscales sans aucun mécanisme différentiel et discriminatoire. Elle serait juste.