J'ai lu et aimé : « Mécomptes publics » de François Ecalle

Passé par Bercy et la Cour des comptes, François Ecalle, plaideur infatigable du redressement des comptes publics raconte dans «Mécomptes publics» (Odile Jacob), quarante ans de dysfonctionnements et de tentatives avortées de réformes qui ont mené la France à l’agonie. Son site Fipeco - Finances Publiques et Economie est une référence obligatoire pour les hauts fonctionnaires de Bercy, les parlementaires et les journalistes. Un livre passionnant.


Dérapage des comptes publics. Explosion de la dette. Absence de budget. Jamais les finances publiques, même dans leurs dimensions techniques, n’ont été à ce point à l’ordre du jour et présentes à l’esprit des citoyens contribuables.
Mais comment se fait-il que la France, pays où les prélèvements sont les plus élevés, se trouve dans une situation aussi inquiétante ? François Ecalle mène l’enquête au ministère des Finances et à travers le récit savoureux des principaux contrôles qu’il a effectués à la Cour des comptes. Constats toujours édifiants, parfois affligeants, d’une gestion publique trop souvent dysfonctionnelle et inefficace.
Les spécialistes, aussi bien que les citoyens curieux et soucieux du bon usage de leurs impôts, se régaleront à la lecture de ce livre.

Date de parution : 16 avril 2025
EAN13 : 9782415011635
320 pages - 145 x 220 mm - 300 g


Finances publiques : François Ecalle, l’expert qui prédit la catastrophe
Par Charles Jaigu, pour Le Figaro Magazine

PORTRAIT - François Bayrou veut un référendum sur les dépenses de l’État. Mais les Français ont-ils pris la mesure du problème ? L’ancien auditeur de la Cour des comptes ne se fait aucune illusion : les Français sont incorrigibles.

Avec ses copains, au lycée Carnot, dans le XVIIe arrondissement de Paris, il assurait, sous divers pseudos, la rédaction de tous les articles du journal de liaison de leur association, TiersMonde17. On était en 1974, et les cathos de gauche (mais pas trop) s’efforçaient, avec l’aumônier du lycée, de lever des fonds pour « trouver du pain à ceux qui n’en ont pas ». Malgré cette vocation précoce, François Ecalle a délaissé les rêves humanitaires pour devenir l’un des scrutateurs les plus respectés des comptes de la nation. Il l’a été pour la Cour des comptes et pour le ministère des Finances. Puis, mis à la retraite de la fonction publique, il a continué avec le site d’information Fipeco, qu’il a créé en 2016. Comme dans ses années de lycéen, il y rédige toutes les notes de synthèse, mais cette fois-ci sous son nom.

Son site est une référence obligatoire pour les hauts fonctionnaires de Bercy, les parlementaires et les journalistes. Cela lui vaut aujourd’hui une notoriété de circonstance, au moment où il n’est plus question que du double D du déficit et de la dette. Quand François Bayrou propose un référendum sur l’approbation d’un plan d’économie, cela le laisse sceptique, car les cancres sont les Français eux-mêmes. En général, François Ecalle accompagne ce genre de constat désolant d’un petit rire dépité. Les Français sont des enfants. Ils sont cigales et, comme toutes les cigales, ils pensent que l’hiver n’existe pas. Dans son livre, publié ces jours-ci, Mécomptes publics (Odile Jacob), l’auditeur honoraire à la Cour des comptes avoue son sentiment d’impuissance : « Édicter des règles, c’est bien, mais il faut en premier lieu une volonté politique. Or elle n’est que rarement au rendez-vous, car le problème, c’est l’électeur », nous dit-il. Faudrait-il donner plus de pouvoir aux députés ? « Depuis le début de l’année, j’ai été invité par trois commissions parlementaires différentes, et pourtant, il ne se passe rien », constate-t-il.

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On n’est guère surpris que Raymond Barre ait préfacé son premier livre sur le sujet, en 2005. Sans doute le seul homme politique qui trouve grâce à ses yeux. Mais le mal vient de plus loin, bien sûr. Ecalle nous raconte dans son livre ce que le jeune auditeur de la Cour des comptes qu’il était découvrit dans les années 1980, à savoir à quelles acrobaties la Banque de France se livrait pour sauver le franc d’une dévaluation humiliante. « Avant la création de l’euro, la France était obligée de faire secrètement la quête auprès de l’Arabie saoudite pour assurer ses fins de mois, et limiter la baisse du franc. La création de l’euro a ensuite grandement facilité le financement de l’emprunt », observe-t-il.

La France à la dérive depuis 2019

Il a publié la semaine dernière sur son site une note qui reprend les dernières statistiques européennes sur les déficits et la dette. « En matière de dette, le bilan n’est guère glorieux. Fin 2024, la dette publique hexagonale représentait 113 % du PIB, soit le troisième plus haut niveau de la zone euro, derrière celles de la Grèce (153,6 % du PIB) et de l’Italie (135,3 % du PIB). La moyenne de la zone s’établit à 87,4 % du PIB. Seuls six pays de l’Union ont une dette supérieure à 95 % du PIB, les 14 autres affichent une dette inférieure à 82 % du PIB », relève-t-il. « Si la France en est arrivée là, c’est que sa situation s’est lourdement dégradée depuis la pandémie, bien davantage que dans d’autres pays d’Europe. Entre 2019 (avant la crise sanitaire) et 2024, la dette hexagonale a crû de 14,8 points de PIB », soit la plus forte progression après celle de la dette finlandaise, pointe le fondateur de Fipeco.

Nous lui demandons s’il y a eu une petite période de réduction des dépenses publiques en ce XXIe siècle. « Je ne vois que le mandat de Nicolas Sarkozy, qui avait entamé une remise à plat de l’armée et de la justice. », nous dit-il. Que faudrait-il faire ? Désindexer les retraites de l’inflation, fusionner plus de communes, réduire les aides au logement… Les suggestions ne manquent pas. C’est un « suggestif aigu », résume son vieux copain Christian Buchet, spécialiste de la géopolitique des océans. Mais aujourd’hui, il ne suggère plus. Il cogne.

Finances publiques : François Ecalle, l’expert qui prédit la catastrophe

François Ecalle : «Je crains qu’il faille attendre une vraie crise» pour sauver les finances publiques
Par Vincent Roux

LE FIGARO. - Le 14 avril dernier, dans un cadre assez inhabituel François Bayrou s’adressait aux médias et aux Français pour dire « la vérité » sur nos finances publiques et s’est livré à un exercice de démonstration de l’étendue de nos déficits.

François ECALLE. -
Il a raison. C’est vrai que la situation des finances publiques est inquiétante. Il faudrait prendre des mesures de redressement drastiques. Mais c’est un discours qu’on entend depuis très, très, très longtemps, qu’il porte lui-même depuis très longtemps.

Et toute la difficulté, c’est de prendre des mesures dès aujourd’hui qui traduisent ce discours en actes. Et ça, c’est beaucoup plus compliqué dans la situation politique actuelle.

Dans le rapport qu’ils ont rendu le 15 mars dernier, les députés de la commission d’enquête sur les dérapages des comptes publics en 2023 et 2024, ont été incapables de trancher sur une question : « qui est coupable ? » . N’y en a-t-il pas ?

On a toujours voulu afficher une trajectoire qui puisse rassurer nos créanciers et nos partenaires européens. Mais sans jamais expliquer comment on allait faire pour réduire le déficit public parce que ça demande des mesures très difficiles et en réalité, on ne l’a jamais fait. Les programmes de stabilité n’ont jamais été respectés.


François Ecalle : « Avec l’âge et l’expérience, j’ai de plus en plus de doutes sur la capacité de l’Etat à intervenir efficacement dans la vie économique »

Réformer les services et administrations de l’Etat, maîtriser des finances publiques qui n’ont cessé de déraper dans les grandes largeurs depuis des décennies, est-ce possible ? A la lecture du livre Mécomptes publics de François Ecalle, on peut en douter

« Avec l’âge et l’expérience, j’ai de plus en plus de doutes sur la capacité de l’Etat à intervenir efficacement dans la vie économique. D’un côté, l’horizon des élus est très court (...) D’un autre côté, les administrations sont très inertes et prennent beaucoup de temps pour se redéployer (...). Il faut donc leur donner plus de moyens, et les dispositifs administratifs s’accumulent ». François Ecalle a hanté les couloirs de Bercy et de la Cour des comptes pendant plus de trente ans. Dans son livre, Mécomptes publics, il raconte ses enquêtes. Extraits édifiants.


Ce livre qui raconte les coulisses de la tragédie budgétaire
Par Philippine Robert

Le geek des finances publiques : c'est ainsi que nous avions surnommé François Ecalle, l'expert que tout le monde s'arrache, politiques et médias, dans un portrait publié à l'automne. Mais avant de prendre la lumière avec Fipeco (Finances publiques et économie), l'association qu'il a créée en 2016, il est resté plus de trente ans dans l'ombre, scrutant les politiques publiques, côté décideurs à Bercy et côté contrôle à la Cour des comptes. « J'étais dans les coulisses du théâtre, derrière ces grands acteurs, avec les souffleurs et les machinistes », glisse-t-il dans les premières pages de Mécomptes publics. Conception et contrôle des politiques publiques depuis 1980 (Odile Jacob), dont nous publions en exclusivité les bonnes feuilles.

C'est cette petite histoire derrière la grande qu'il nous raconte, avec la lucidité de celui qui n'a pas à défendre un bilan. Fonctionnement des services publics, petits arrangements et grands dysfonctionnements des entreprises publiques, investissements publics stériles, explosion de la dette, maquis des aides, espoirs déçus de réforme de l'État, pouvoir des syndicats… Tout en éclairant le passé avec ses souvenirs, François Ecalle nous livre de précieuses leçons pour le présent. « J'ai souvent l'impression d'écrire aujourd'hui, notamment dans mes billets sur le site de Fipeco, la même chose qu'il y a trente ou quarante ans », avoue-t-il. Ce n'est pas lui qui radote. Mais nos décideurs qui n'entendent pas.À LIRE AUSSI François Ecalle : « Soit on réduit les dépenses, soit on augmente les impôts »
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« Mécomptes publics » : François Ecalle, le moine soldat des finances publiques

CHRONIQUE – Au lendemain de la conférence pilotée par le Premier ministre François Bayrou, l’ancien magistrat de la Cour des comptes, devenu l’expert incontournable des finances publiques, publie un livre intitulé Mécomptes publics, dans lequel il déplore le manque de réformes.

Il fait figure de Sisyphe du déficit. Omniprésent sur les plateaux télés et dans les journaux, François Ecalle plaide sans relâche pour le redressement des comptes publics et l’efficacité de la dépense. Au lendemain de la conférence sur les finances publiques, pilotée par le Premier ministre François Bayrou, l’énarque publie un livre intitulé Mécomptes publics, aux éditions Odile Jacob. Il y revient sur son parcours, d’abord au sein de Bercy, à la direction du Trésor, puis à la Cour des comptes, dont il pilota le rapport annuel sur les finances publiques pendant sept ans. Depuis 2016, il se consacre à la tenue du site Fipeco, qui réunit fiches pédagogiques et commentaires d’actualité, devenu une référence incontournable.

François Ecalle explique avoir voulu combler un vide idéologique entre les macro-économistes keynésiens, qui n’accorderaient pas assez d’importance à la maîtrise du déficit, et les libéraux purs et durs, qui prônent souvent de coûteuses baisses d’impôts tout en restant bien timorés sur les économies à faire. Désormais à la retraite, l’ex-magistrat rappelle, au passage, qu’il n’a pas été soutenu par son ancienne maison. Bercy a, de manière incompréhensible, refusé de considérer que les dons versés à Fipeco puissent bénéficier d’une réduction d’impôt « au motif que ses activités ne seraient ni scientifiques ni pédagogiques ». Un comble. C’est donc un héritage personnel qui a longtemps permis à son association de fonctionner.

Ces réformes restées lettre morte

« J’ai souvent l’impression d’écrire aujourd’hui, notamment dans mes billets sur le site de Fipeco, la même chose qu’il y a trente ou quarante ans dans les notes de la Direction de la prévision sur les grands sujets de politique économique », se lamente l’auteur, au moment de dresser le bilan de sa carrière de haut fonctionnaire. Certaines de ses recommandations ont certes fini par être suivies d’effets au bout de longues années, comme la suppression des aides publiques aux préretraites, le renforcement de la régulation bancaire ou la fin du « verrou de Bercy », qui réservait au fisc le droit de porter plainte pour fraude et donc d’engager des poursuites pénales.

Mais les rapports restés sans suite semblent bien plus nombreux. Les avantages fiscaux en faveur de l’investissement locatif ont persisté, les problèmes de ressources humaines au sein de la fonction publique sont encore légion et les évaluations socio-économiques des investissements publics sont toujours largement ignorées par les décideurs politiques. Certaines réformes majeures, défendues par l’expert, sont également restées lettre morte. C’est notamment le cas du « bouclier sanitaire », détaillé dans l’extrait ci-dessous. Ce dispositif pourrait toutefois revenir dans le débat public, alors que le déficit de la Sécurité sociale a atteint 15 milliards d’euros en 2024 et devrait dépasser les 20 milliards cette année.

Mécomptes publics par François Ecalle : extraits pages 114 à 115.

En avril 1994, quatre mois après avoir été chargé des fonctions de sous-directeur des finances publiques, j’étais déjà convaincu qu’il était nécessaire mais aussi très difficile d’améliorer l’efficacité du système de santé. En outre, les mesures proposées par la direction et conduisant à réduire les taux de remboursement, comme les franchises par consultation ou la déconnexion entre prix de vente et prix de remboursement des médicaments, me paraissaient difficilement acceptables. J’ai alors écrit une note interne à la Direction de la prévision (DP) dans laquelle je proposais de plafonner les sommes qui restaient à la charge des ménages en fonction de leur revenu. Si, par exemple, ce plafond était de 3 % des revenus, les ménages seraient remboursés à 100 % à partir du moment où leur reste à charge atteindrait 3 % de leurs revenus jusqu’à la fin de l’année.

La mise en place d’un tel plafonnement des restes à charge permettrait ensuite de réduire le déficit de l’assurance maladie en augmentant les tickets modérateurs ou les franchises tout en protégeant les plus modestes. Cette courte note (trois pages) n’approfondissait pas assez les caractéristiques du remboursement des dépenses de santé (exonération de ticket modérateur pour les affections de longue durée, interventions des assurances complémentaires), les difficultés techniques (échanges d’informations entre les services fiscaux et les caisses d’assurance maladie sur les revenus) mais aussi les avantages (simplification et réduction du coût de gestion des remboursements) d’une telle réforme, si bien que je n’ai pas convaincu mon équipe de creuser cette idée.

Considérant que je n’avais pas à la faire travailler sur ce qui était peut-être une lubie, je ne suis pas allé plus loin, mais cette idée m’est restée dans la tête. En 2006, alors que j’étais à la Cour des comptes, je l’ai reprise dans un court billet sur un blog de l’Institut de l’entreprise et, en avril 2007, je l’ai présentée avec une argumentation beaucoup plus solide dans un article publié par la revue Sociétal. Au même moment, Pierre-Louis Bras avec deux coauteurs ont publié un article dans la revue de droit social où ils proposaient de remplacer le dispositif des affections de longue durée par un plafonnement des restes à charge. Ils utilisaient le mot « bouclier », mais leur bouclier était en euros, ce qui est moins pertinent qu’un bouclier en pourcentage du revenu pour protéger les plus modestes.

En juin 2007, alors que le gouvernement de François Fillon venait d’annoncer l’instauration de forfaits et franchises sur le remboursement de certaines dépenses de santé (médicaments, consultations…), Martin Hirsch, haut-commissaire aux Solidarités actives, a proposé publiquement la mise en place d’un « bouclier sanitaire » sous la forme d’un plafonnement des restes à charge en fonction du revenu. Le gouvernement a demandé un rapport sur cette proposition à deux magistrats de la Cour des comptes, Raoul Briet et Bertrand Fragonard, qui l’ont soutenue. Ce projet de réforme a néanmoins été enterré en raison notamment du lobbying des mutuelles, qui avaient très peur que ce bouclier ne détourne les Français de la souscription d’assurances complémentaires. Il refait surface de temps en temps, de nombreuses études en ont démontré la pertinence, et je continue à le soutenir.

« Mécomptes publics » : François Ecalle, le moine soldat des finances publiques


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