Philippe Fontana : « Pour le Conseil constitutionnel, les demandeurs d’asile, même dangereux, n’ont pas à être placés en rétention »

La décision du 23 mai (n° 2025-1 140 QPC) montre qu’une révision constitutionnelle s’impose si on veut contenir les flux migratoires, estime Philippe Fontana, avocat et auteur, notamment de La vérité sur le droit d’asile (Éditions de l’Observatoire, 2023).


En raison notamment de la nouvelle composition du Conseil constitutionnel, on attendait impatiemment la réponse qu’il apporterait à la « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC) dont il avait été saisi en mars dernier à l’encontre de récentes dispositions législatives autorisant le placement en rétention de certains demandeurs d’asile.

La réponse est apportée par la décision rendue le 23 mai (n° 2025-1 140 QPC) : les demandeurs d’asile ne peuvent être retenus pendant l’examen de leur demande, même s’ils menacent l’ordre public ou présentent un risque de fuite.

Les dispositions censurées sont celles introduites par la loi du 26 janvier 2024 « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » à l’article 523-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). Elles permettaient à l’autorité administrative, d’une part, d’assigner à résidence ou, « si cette mesure est insuffisante et sur la base d’une appréciation au cas par cas, placer en rétention le demandeur d’asile dont le comportement constitue une menace à l’ordre public » ; et, d’autre part, mais seulement s’il présente un risque de fuite, de placer en rétention l’étranger qui n’a pas présenté une demande d’asile auprès de l’autorité administrative compétente (c’est-à-dire auprès du guichet unique de la demande d’asile géré par les préfectures).

À lire aussi Nicolas Pouvreau-Monti : «En dix ans, l’UE a admis l’équivalent d’un nouvel État membre entièrement composé de demandeurs d’asile»

Cette décision, apparemment technique, a une portée considérable puisqu’elle dresse un obstacle constitutionnel incontournable devant une mesure souvent présentée comme de bon sens : l’immobilisation (par la rétention administrative) des demandeurs d’asile pendant l’examen de leur demande. Même lorsqu’ils présentent un profil problématique. Elle limite une nouvelle fois le pouvoir du législateur de contenir l’immigration.