21 août 1165 : Naissance de Philippe Dieudonné, futur "Philippe Auguste"
Voir aussi PHILIPPE II AUGUSTE, roi de France (18.9.1180 au 14.7.1223 associé au trône depuis le 1.11.1179) (grandeschroniquesdefrance.blogspot.com)
Bien qu’il soit d’usage en France de commémorer la naissance des grands hommes, la plupart des candidats ne mérite cette distinction que par les réalisations de leur maturité. Le roi Philippe Auguste est l'une des rares exceptions à cette règle : septième descendant masculin du roi Hugues Capet, appartenant à une dynastie qui avait légitimé ses droits au trône de France en fournissant à chaque génération un héritier mâle, sacré roi du vivant de son père. Cette étonnante fécondité fut cependant menacée sous Louis VII, père de Philippe, qui fut obligé de se marier trois fois pour obtenir l’héritier désiré. La naissance de Philippe, le 2[1] août 1165 fut accueillie à Paris avec une immense liesse et un vif soulagement. Aussi l’enfant reçut-il comme premier épithète « Dieu-donné ». Le droit dynastique des capétiens était dès lors assuré. Ni Philippe, ni ses successeurs n’eurent désormais à faire sacrer leur fils de leur vivant.
Lorsque Philippe fut lui-même sacré le 1er novembre 1179 à quatorze ans, il fit mince figure parmi les grands barons rassemblés à Reims pour l’événement. Il fut éclipsé par les comtes de Flandre et de Champagne et surtout par les ducs de Normandie et d’Aquitaine ainsi que le comte d’Anjou, tous de la famille des rois angevins d’Angleterre qui dominaient une moitié du royaume. Sa première tâche fut donc de prendre le dessus sur ces puissants adversaires. Au début, la tâche fut rude contre Richard Cœur de Lion, le chevalier sans doute le plus célèbre de son temps, mais Philippe eut la chance que Richard trouve inopinément la mort en 1198 ; devenant un redoutable adversaire pour le frère de Richard, Jean, guerrier indécis et roi imprévisible. Philippe passa immédiatement à l’attaque ; bénéficiant de financements importants, d’approvisionnements facilités et d’un peu de chance, le roi de France réussit à s’emparer du duché de Normandie en 1204 et à refouler les Anglais au sud de la Loire en 1206. Dans la décennie suivante Jean organisa sa revanche en recrutant au prix de subventions considérables son neveu l’empereur allemand Otton de Brunswick et les comtes de Flandre ainsi que les Poitevins. En 1214, lorsque Jean fut repoussé à la Roche-aux-Moines par le prince Louis, fils et héritier de Philippe, et que l’empereur Otton et ses alliés furent vaincus à Bouvines par Philippe, les rois angevins furent définitivement expulsés du nord de la France. Le roi Philippe a décidément mérité son surnom d’« Auguste » non seulement parce qu’il est né en août mais aussi parce qu’il a « augmenté » son domaine comme un empereur romain.
Plus qu’héritier légitime ou guerrier favorisé par la chance, Philippe était un excellent administrateur. Avant de partir pour la Troisième Croisade, il publia en 1190 une ordonnance en guise de testament qui définissait les contours de son gouvernement. Les anciens prévôts furent confirmés dans leurs fonctions fiscales. Nouveaux agents, les baillis circulaient en équipes dans le domaine royal pour entendre les plaids. Les deux groupes se rendaient à Paris trois fois par an pour rendre compte de leur gestion des finances publiques. Les archives furent établies au Palais et des registres furent rédigés pour rassembler la documentation utile à la gestion du royaume. Ainsi, les institutions fondamentales pour gouverner un domaine agrandi étaient-elles fixées à Paris. La ville fut entourée d’enceintes, les rues pavées et les halles érigées. Paris abritait non seulement le gouvernement mais aussi l’université la plus célèbre d’Europe. À la fin du règne, un domaine agrandi et une administration efficace garantissaient la prospérité du trésor royal, dont les excédents permirent les dépenses extravagantes du futur roi et saint, Louis.
Texte de John Baldwin, professeur d'histoire émérite, Johns Hopkins University chaire de Charles Homer Haskins, membre de l'Institut.