Arnaud Benedetti : Le refus de chanter “la Marseillaise” ou la crise de charisme de l'État


C’est une scène qui signe tout à la fois un échec et qui annonce bien d’autres fractures. La Secrétaire d’Etat à l’Education et à la jeunesse, Sarah El Haïri, dialoguait voici quelques jours avec une centaine de jeunes, quasi exclusivement originaires de la diversité, à Poitiers. À l’issue d’une rencontre où bien des revendications les plus communautaristes ont été portées par les participants, la ministre se lève et entend conclure la réunion par une reprise en chœur de l’hymne national. Indifférence et hostilité lui sont opposées : vissés sur leurs sièges, les scolaires laissent leur interlocutrice ministérielle à son moment de solitude. Le dialogue se déroule après l’assassinat de Samuel Paty, après l’hommage national qui lui fut rendu, après les propos du président de la République martelant la détermination de l’Etat à lutter contre l’islamisme. Les images, depuis, tournent en boucle sur les réseaux. Que disent-elles, si ce n’est qu’un grain en sécession s’est levé dans de nombreuses zones du territoire… Mais au-delà, elles forent encore plus, car, dans son immobilité, cette jeunesse a non seulement largué les amarres avec le sentiment national mais elle renvoie une ministre à son impuissance, à la perte de substance de sa fonction symbolique, au rejet explicite de l’autorité. Il fut un temps où la charge ministérielle en imposait, impressionnait : elle n’est désormais plus qu’une enveloppe vide et c’est dans ce vide que s’engouffre toutes les forces de dissolution post-républicaines.