Fatiha Agag-Boudjahlat : Adama Traoré, une narration américaine


L'instruction n’est pas terminée, et les causes et les circonstances de sa mort rebondissent d’expertises en contre-expertises. Il y aura la vérité judiciaire. Ceux qui dressent une équivalence entre la violence avec laquelle a vécu Adama et celle avec laquelle il est mort ont tort et sont en faute. Nous sommes en droit d’attendre un comportement plus exemplaire de la police que de la population, et singulièrement des délinquants. Un contrôle ou une arrestation ne devrait jamais déboucher sur la mort de quelqu’un. Les policiers et les gendarmes disposent du monopole de la violence légitime, mais cela implique qu’ils soient des professionnels et en usent avec proportionnalité et raison. Rien ne prouve que les gendarmes soient à l’origine de la mort d’Adama Traoré. Un accident, pour tragique qu’il soit, est un accident, dont on peut dire autant et aussi peu que n’importe quel fait divers.

Cet accident nous dit que le pouvoir de la police ne devrait jamais reposer sur la force des armes, du nombre ou de la technique, mais sur l’autorité représentée par l’insigne. Or l’autorité repose sur le consentement de ceux sur lesquels elle s’exerce. Les plus si « jeunes » des quartiers ne sont plus dans ce consentement, mais dans le refus. La force seule départage et le vainqueur n’est pas souvent la police. Adama Traoré ne serait pas mort s’il n’avait pas pris par deux fois la fuite au lieu de se soumettre à ce qui n’était encore qu’un simple contrôle policier. On peut le dire, mais c’est dérisoire et carrément insupportable quand une personne meurt. Nous n’avons pas supprimé la peine de mort en France pour la tolérer dans nos rues, au détour d’un contrôle ou à l’occasion d’un règlement de comptes. La victime n’a pas non plus à être irréprochable pour susciter l’empathie ou les regrets sur sa mort.