Pierre-André Taguieff : « Le pseudo "nouvel antiracisme" n’est autre qu’une machine de guerre contre "les Blancs" »


Atlantico : Vous publiez "L’Imposture décoloniale : science imaginaire et pseudo-antiracisme" aux Éditions de l’Observatoire. Les sectarismes menacent de plus en plus les approches scientifiques et les valeurs républicaines au nom du "décolonialisme". Comment en sommes-nous arrivés là ?

Pierre-André Taguieff :
Il s’agit, pour simplifier grossièrement, de la dernière mutation idéologique du tiers-mondisme et du gauchisme intellectuel, dont les théoriciens ont remplacé la lutte des classes par la lutte des sexes et des races, sous l’influence des néo-féministes misandres et des pseudo-antiracistes anti-Blancs étatsuniens. Pour ne pas paraître abandonner la classe, ils ont brandi le mot magique « intersectionnalité », qui tend à remplacer, dans le vocabulaire militant, la vieille « convergence des luttes ». Mais leur véritable ennemi a un double visage : le « système hétéro-patriarcal » et le « racisme systémique », qui se manifesterait par le « privilège blanc ».

Les idéologues du postcolonialisme et du décolonialisme postulent que le racisme colonial est en quelque sorte une maladie héréditaire et contagieuse affectant les descendants des esclavagistes et des colonialistes, c’est-à-dire les « Blancs » qui vivent dans des sociétés dénoncées comme néo-esclavagistes et néo-colonialistes où les « dominés » seraient nécessairement « racisés ». Le racisme colonial serait donc une maladie qui s’hériterait et s’attraperait par simple contact, sur le mode d’une complicité, active ou passive, avec le « système » social raciste. Face à la supposée persistance du racisme colonial dans les sociétés postcoloniales, voire à l’extension indéfinie du racisme colonial qui s’appliquerait à de nouveaux groupes issus de l’immigration et formant de nouvelles « minorités racisées », un unique remède est prescrit : la dénonciation litanique, dans le jargon postcolonial respecté à la lettre (sous peine d’inefficacité), du racisme colonial. Discours « antiraciste » d’une pauvreté affligeante, pure expression de fantasmes victimaires diffusés par diverses minorités actives. C’est ce qu’il convenu d’appeler, dans ledit jargon, l’« antiracisme politique », instrument d’intimidation dont la principale fonction est de disqualifier toute critique du postcolonialisme/décolonialisme, en la réduisant à un indice de « racisme » ou à une expression du « privilège blanc ».

Comment définissez-vous ce pseudo-antiracisme ?

Le prétendu « nouvel antiracisme », baptisé également « antiracisme politique » par les idéologues du décolonialisme, n’est autre qu’une machine de guerre contre « les Blancs » et la « société blanche ». Il dérive de la définition antiraciste du racisme fabriquée par des militants afro-américains révolutionnaires à la fin des années 1960, et connue sous diverses dénominations : « racisme institutionnel », « racisme structurel » ou « racisme systémique ». Il ne s’agit pas d’une conceptualisation du racisme, mais d’une arme symbolique qui consiste à réduire le racisme au racisme blanc censé être inhérent à la « société blanche » ou à la « domination blanche », celle-ci étant la seule forme de domination raciale reconnue et dénoncée par les néo-antiracistes. On en retient le message simpliste selon lequel la société blanche tout entière serait intrinsèquement raciste. Qu’ils le veuillent ou non, qu’ils en soient conscients ou non, « les Blancs » seraient des dominants et des « racisants », ce qui revient à nier les responsabilités individuelles non sans faire obstacle à l’identification des vrais coupables d’actions racistes.

Ce « nouvel antiracisme » recourt à des catégories raciales pour se définir dans ses fondements comme dans ses objectifs. D’où le paradoxe d’un antiracisme racialiste, voire raciste, dès lors qu’il puise, non sans violence verbale, à la thématique du racisme anti-Blancs. C’est pourquoi il serait plus adéquat de le caractériser comme un pseudo-antiracisme, et, plus précisément, comme un antiracisme anti-Blancs. Mais un antiracisme anti-Blancs, c’est un antiracisme raciste. Il faut arrêter de tourner autour du pot, et nommer clairement ce qui nous paraît intolérable.



« Le chemin de la simple justice n'est pas facile à trouver entre les clameurs de la haine d'une part et les plaidoyers de la mauvaise conscience d'autre part », affirmait Camus en 1945. Ce constat reste d'actualité, quand des sectarismes menacent approches scientifiques et valeurs républicaines au nom du « décolonialisme » : essentialisation des identités minoritaires, qui racialise les questions sociales et politiques, communautarismes exclusifs qui divisent et opposent les citoyens, instrumentalisations cyniques de minorités supposées victimes d'une imaginaire « République blanche », attaques contre la liberté d'expression, les libertés académiques et la laïcité... L'imprégnation décoloniale a fait surgir un nouvel espace de l'extrémisme politique : « antiracistes » racistes visant les « Blancs », gauchistes violents, islamistes plus ou moins masqués, complotistes, néoféministes misandres... Des groupuscules identitaires extrémistes s'érigent en tribunaux d'inquisition, censurent des oeuvres et imposent des « déboulonnages ». Ces nouveaux épurateurs, mus par le ressentiment, invoquent un prétendu « antiracisme politique » pour étendre le champ de l'intimidation. Face à la prolifération de mémoires victimaires vindicatives et politiquement instrumentalisées, Pierre-André Taguieff dresse un état des lieux, analyse sans concession les discours décoloniaux et en esquisse une généalogie : autant d'éléments pour la discussion sérieuse d'une imposture de grande ampleur.

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