Anne-Sophie Nogaret et Sami Biasoni : Les statues que l’on déboulonne, les mots que l’on efface, la syntaxe que l’on manipule... déstabilisent notre unité nationale


FIGAROVOX. - Votre livre, «Français malgré eux», est sous-titré: «Racialistes, décolonialistes, indigénistes: ceux qui veulent déconstruire la France». Pouvez-vous expliquer la différence entre ces trois termes?

Sami BIASONI. -
Bien que l’on ait fréquemment tendance à les amalgamer, il s’agit en effet de trois termes qui désignent des mouvements certes vicinaux, mais néanmoins différents. Le racialisme correspond à l’ensemble des discours idéologiques - et des revendications politiques qui en émanent - établis sur la base du postulat de la prééminence de la notion de «race» dans le vécu humain. Dans son acception historique, défendue par les auteurs du XIXe siècle (Vacher de Lapouge, Gobineau…), le racialisme était principalement affaire de différenciation biologique entre les individus ; désormais il a trait à la «race» perçue à la fois comme construit social et comme synthèse de perceptions subjectives réelles ou fantasmées. Ainsi le racialisme ne considère-t-il plus qu’il suffise qu’un individu arbore une couleur de peau «noire» pour se dire «Noir». C’est aussi paradoxalement ce qui permet à cette même doctrine de considérer qu’en Occident toute personne «blanche» occupe une position de domination latente, nonobstant la réalité de son statut social ou de son cheminement psychologique.

Le décolonialisme considère pour sa part que le processus de décolonisation qui a structuré l’histoire mondiale de la seconde moitié du XXe siècle est inachevé. Si, pour reprendre les déclarations de la Conférence de Bandung de 1955 «la soumission [politique] des peuples au joug de l’étranger, à sa domination et à son exploitation» est légalement caduque, d’aucuns soutiennent qu’elle perdure au travers de l’impérialisme économique (capitalisme), culturel (soft power) ou encore représentationnel au profit de l’Occident. J’analyse le décolonialisme comme le versant actif et militant du post-colonialisme qui, pour sa part, s’attache à penser et à théoriser la déconstruction de l’hégémonie susdite.

On peut enfin dire de l’indigénisme qu’il est, par essence, décolonial. L’indigénisme originel visait à établir les conditions de pérennité culturelle et politique des populations autochtones sur le continent sud-américain. En France, il se réfère plutôt aux Codes de l’Indigénat du siècle dernier, corpus de droit colonial régissant le statut des populations habitant les possessions territoriales française - populations dont les descendants d’immigrés nés sur notre territoire porteraient aujourd’hui le fardeau atavique du seul fait de leur naissance.

Vous écrivez que la French Theory a eu du mal à se fixer en France, quand elle influençait déjà le monde outre-Atlantique. Comment ces théories postcoloniales ont finalement réussi à s’imposer dans notre société?

S.B. -
Beaucoup l’ignorent, mais la culture philosophique matérialiste marxiste de l’université française a contribué, par conservatisme (trivialement lié au refus de la submersion de la «classe» par la «race»), au ralentissement de la pénétration des concepts issus de la French Theory dans notre débat intellectuel. On doit aussi à l’attrait exercé par la «Nouvelle Philosophie» (incarnée par André Glucksmann, Christian Jambet et Bernard-Henry Lévy) - quant à elle critique à l’endroit des dérives du stalinisme ou du maoïsme - le relatif échec de la pensée post-structuraliste en France. Dans le même temps naissaient sur les campus américains les premiers départements dédiés aux x-studies, ces disciplines inscrivant au cœur de leurs analyses les notions de «race», de «genre» ou de «subalternité». L’Université française conservait en outre dans ces années une tradition rationaliste attachée à une rigueur argumentative et à une relative parcimonie conceptuelle. À l’inverse, la French Theory défendait une approche dite «littérariste», à la fois prolixe et métaphorique ; c’est aussi ce qui explique les réticences françaises à son égard, et concomitamment son adoption opportuniste outre-Atlantique.

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