14 juillet : mais quelle idée de la nation célébrons-nous vraiment ? - Par Edouard Husson

Alors que nous n’avions pas vécu d’événements impactant autant la société dans son ensemble que le Covid depuis longtemps, rien ne suggère que la cohésion de la nation française se soit renforcée.


Atlantico : Nous célébrons aujourd'hui le 14 juillet dans un contexte de pandémie. Cette fête nationale touche à l'unité du pays, pourtant le vivre-ensemble semble aujourd'hui confronté à de nombreux périls. Quels sont les éléments qui fondent encore la cohésion de notre pays ? Est-on encore capable de faire corps, de faire nation ?

Edouard Husson :
Le « vivre-ensemble » est un terme assez ridicule, né dans une société dont le tissu social se déchire et dont les dirigeants et influenceurs ont renoncé à assimiler les étrangers venant s’installer sur le sol français. La société française n’est pas totalement désintégrée mais sa cohésion se défait. Elle fait de moins en moins corps. Jérôme Fourquet parle de l’archipel français. L’Education Nationale est devenue, pour parler comme René Chiche, une agence d’accompagnement de la désinstruction : le baccalauréat, avec 95% de réussite à la formule générale en 2021, a vécu. Le service militaire n’existe plus. La crise des Gilets Jaunes comme celle du Covid-19 ont montré les ravages que font les diplômés semi-instruits mais persuadés s’être infiniment supérieurs à ceux qui ne sortent pas d’une grande école ou qui n’appartiennent pas à la haute fonction publique. La démission du pape Benoît XVI a entraîné une profonde régression dans une Eglise de France jusque-là en redressement, depuis le début des années Jean-Paul II. La seule institution qui se tienne encore et qui reste un creuset républicain est l’armée. Mais l’épisode récent des tribunes publiées dans les médias a montré comme l’immense majorité des officiers et de la troupe souffre d’être soumise aux injonctions d’un pouvoir politique progressiste et d’un Etat-major qui l’est en partie.

Le Covid est sans doute la plus grande épreuve collective que nous ayons vécu ces dernières années/décennies. Pourtant au-delà, de quelques moments de communion de la nation, a-t-on vu une réelle expression du vivre ensemble pendant cette pandémie ? La cohésion sociale en sort-elle renforcée ou affaiblie ?

Le problème du Covid-19 pour la nation, de mon point de vue, tient à quatre facteurs : premièrement, il y a eu surestimation de la gravité de l’épidémie. Nos dirigeants ont perdu leur sang froid - et une partie des possédants avec eux. Regardez aujourd’hui encore le refus de revenir à une sociabilité normale dans les milieux professionnels des métropoles. Ajoutez le vieillissement de la population et le fait que les plus de 65 ans ont été plus vulnérables que les autres. Deuxièmement, la crise du COVID a révélé l’étendue de notre désindustrialisation; et le fait que les qualités du management public se sont largement perdues ces vingt dernières années. Troisièmement, le monde des médias a profondément changé, depuis la révolution numérique du secteur. Aujourd’hui l’information vérifiée se trouve la plupart du temps dans des médias « challengers », « outsiders » ou contrariens. Les médias « mainstream » sont en fait des médias établis, hyper-dépendants des subventions de l’Etat et de leurs actionnaires : ils ne sont plus là pour mettre en difficulté le gouvernement mais pour lui servir de chambre d’écho. Quatrièmement, il y a un facteur d’affaiblissement de la cohésion spécifique à notre pays : l’hyperinterventionnisme d’Emmanuel Macron. La crise du Covid, car chacun était trop content, au gouvernement, de ne pas prendre de responsabilité, a poussé jusqu’à la caricature la tendance du Président à décidfer du moindre détail, au risque de paralyser totalement la capacité du pays à s’organiser.

Emmanuel Macron a décidé de s'exprimer le 12 juillet et non le 14 juillet, fête nationale, afin d'annoncer son agenda et sa feuille de route pour les mois à venir. Alors que nous connaissons actuellement une crise de la cohésion nationale, d'autant plus affectée avec le pass sanitaire, avoir choisi une telle date n'est-il pas une erreur ?

Emmanuel Macron prospère dans la destruction du système en place. Il a été élu sur les ruines encore fumantes du fillonisme et en absorbant une grande partie des forces restantes du PS. Il a détruit l’ENA qui l’a formée. Il a fait matraquer son propre peuple, massivement, faisant un nombre impressionnant de blessés et mutilés, à l’occasion du mouvement des Gilets Jaunes. Alors faire un discours le 12 au lieu du 14 juillet, c’est véniel. Mais vous avez raison, cela fait partie d’un ensemble. Beaucoup avaient cru que Macron allait libérer les énergies et provoquer une révolution libérale. C’est dans ce sens que beaucoup se sont engagés à LREM, sincèrement. Mais Emmanuel Macron est d’abord un homme mal élevé qui s’invite chez vous et, une fois installé dans le fauteuil, vous abreuve d’un déluge de paroles et ne comprendrait pas que vous l’interrompiez. C’est peu propice à développer un sens du collectif. Le 12 juillet au soir nous avons eu un bon échantillon de l’immense énergie et volonté de puissance, d’une part, d’Emmanuel Macron, et de sa capacité à diviser les Français, à les monter les uns contre les autres. Sous François Mitterrand, le système politique a commencé à exclure un parti, le Front National, et ses électeurs, de l’accès au pouvoir. Macron transpose ce principe à ceux qui ne suivent pas sa ligne sanitaire.

Le discours du Président semble ramener la nation à un ensemble économique et matériel devant devenir attractif au niveau international pour réussir. Alors que l'attachement à la République n'est pas à son plus haut niveau, pour retrouver une certaine adhésion à la République le discours du Président doit-il revenir à un projet plus mobilisateur ? Que pourrait être ce projet ?

Macron, né en 1977, est un fils de l’hyperindividualisme amorcé dans les années 1960. Il ne voit pas la nation mais seulement des individus. Son monde n’est pas seulement économique, il est aussi celui de la gouvernance bureaucratique mondiale. C’est effectivement un monde sans âme, sans culture. Macron l’a d’ailleurs proclamé : il n’y a pas de culture française, selon lui. C’est un homme sans enfants - je ne le mentionnerais pas si ce n’était évidemment le résultat d’un choix. Mais peut-on gouverner un pays si l’on n’a personne à qui transmettre ? Il n’est pas seul dans ce cas, d’ailleurs : pensons à Angela Merkel, cette chancelière qui a voulu faire sortir l’Allemagne de l’histoire. C’est moins destructeur dans le cas de l’Allemagne. Alors que la France, elle, a besoin d’une grande ambition politique nationale et internationale. La France est une construction spirituelle et politique. Nous sommes le pays de l’équilibre : nos ancêtres ont toujours recherché un équilibre (plutôt qu’une séparation) entre spirituel et temporel. Nous devons contrebalancer notre engagement européen par la mise en valeur de notre présence outre-mer. Nous ne devons accueillir d’étrangers que si nous pouvons les assimiler. Nous sommes un pays qui fabrique soit des entreprises géantes soit des toutes petites entreprises. Il serait temps de favoriser les entreprises de taille intermédiaire. Il nous faut aussi miser sur les villes moyennes plutôt que sur le stérile affrontement entre métropoles et périphéries. Pendant que l’on réformera l’Education Nationale, il faudra, parallèlement, encourager les initiatives privées dans le domaine éducatif. Une baisse des impôts est absolument nécessaire. Et pourtant il faudra aussi réinvestir dans notre défense et les autres domaines dits régaliens. Mais au fond de tout cela, il y a surtout la nécessaire réconciliation des Français divisés, la réparation du tissu social déchiré. Et pour cela, rien de mieux que de se demander, sur chaque sujet, si la manière de le traiter restaure ou renforce les libertés individuelles et collectives.

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