Arnaud Benedetti : «Il y a un hiatus entre ce que l’État impose aux Français et les pratiques de ses dirigeants»
Arnaud BENEDETTI.- Les réseaux sociaux font leur miel de tout ce qui touche aux personnages publics. Comme auparavant le bouche à oreille, ou la rumeur. Sauf qu’avec ces nouveaux instruments, tout se visibilise dans l’instantanéité et se diffuse à l’échelle de la nano-seconde. L’événement prend immédiatement forme, et il est métabolisé tout de suite par la médiasphère. La contamination du Président nous rappelle d’abord qu’un chef de l’État est un corps et qu’il n’échappe pas à cette condition qui est celle de tout un chacun. Mais ce corps est celui de l’État aussi, et le fait qu’il soit positif au virus, introduit mécaniquement des premières interrogations dans un premier temps très factuelles: sur l’exercice du pouvoir, le temps de son isolement, et sur sa continuité ; sur le contexte de son éventuelle contamination et sur les responsables qui ont été en interaction avec lui ces dernières heures ; etc.
Il y a dès l’annonce de la positivité du Président une construction en temps réel de l’événementialité. Cette mécanique est d’autant plus rapide qu’elle s’organise et est générée par la centralité même du Prince. Le Prince malade, c’est tout le corps de la Nation qui inévitablement débat, commente, cherche à savoir. Mais il est un paramètre qui boursoufle l’événement, c’est le contexte pandémique dont on sait qu’il a ouvert le champ à nombre de controverses depuis le début de la crise . Cela signifie qu’après la séquence factuelle se greffe ensuite une séquence d’interprétations et d’éventuelles polémiques. Nous sommes déjà dans ce second temps, tout au moins sur les réseaux sociaux, dont on sait qu’ils sont une boîte de Pandore où le respect des codes de la civilité et des convenances ne sont pas l’usage, ni la règle communément partagée.
