Laïcité : pour en finir avec l’ambiguïté - Par Vincent Tournier
Selon Vincent Tournier, chercheur à l’IEP de Grenoble, ceux qui défendent l’Observatoire de la laïcité révèlent leur conception biaisée du concept.
Il y a des manières de défendre une cause qui finissent par la desservir. Telle est la remarque qui survient à la lecture de deux tribunes, l'une publiée dans Libération, l'autre dans Le Monde, qui s'opposent toutes deux à la suppression annoncée de l'Observatoire de la laïcité, cet organisme mis en place par François Hollande en 2013 pour prendre la succession du Haut Conseil à l'intégration.
Les deux tribunes sont assez différentes : celle de Libération est très évasive, celle du Monde est plus explicite, mais toutes deux ont le mérite de dévoiler ce qui se joue autour de cet Observatoire.
Un organisme passé du statut d'observateur à celui de prescripteur
Dans la première tribune, les signataires dressent un éloge immodéré : « Les principes développés par cet organisme nous semblent représenter le meilleur de la civilisation. » Derrière cette phrase aussi anodine que grandiloquente se cache en vérité un aveu : l'Observatoire aurait donc « développé des principes ». Les signataires se gardent bien de dire lesquels, tout comme ils se gardent d'indiquer au nom de quoi cet organisme était en droit de fixer sa propre vision de la laïcité.
Mais, de ce fait, ils admettent que l'Observatoire, loin de nourrir les débats, s'est surtout attaché à les fermer, passant ainsi du statut d'observateur à celui de prescripteur. Tel est le principal reproche qu'on peut lui faire : en faisant comme si la laïcité était définie une fois pour toutes, comme coulée dans les tables de la Loi, l'Observatoire a refusé de s'en tenir à une approche plus humble qui aurait consisté à exposer les diverses options qui s'offrent à nous pour adapter la laïcité aux défis contemporains.