Marcel Gauchet : "La résilience n'est pas un projet politique, la lucidité et le courage devraient l'être"
Marcel Gauchet : Je vous avoue que ce mot à la mode de résilience ne me dit rien qui vaille dans son emploi politique. Accordons à Boris Cyrulnik qu’il a sa pertinence sur le plan psychologique pour désigner la capacité étonnante de certains êtres de survivre aux pires épreuves. Mais en politique ? On n’attend pas de savoir si un pays est résilient. On s’organise pour faire face à l’épreuve. Je crains en effet que le mot soit là pour se souhaiter bonne chance sans être trop sûr du résultat. Mieux vaut la volonté de résistance que l’attente de la résilience…
Voir le rapport au monde comme un acte de résilience, n’est-ce pas voir l’être humain ou, au moins, les sociétés occidentales comme des victimes définitives d’elles-mêmes ? Cette vision défaitiste, voire péjorative de l’homme moderne, vous paraît-elle partagée par tous ?
Non, je la crois même minoritaire par rapport à une conception classique, mais éprouvée, des vertus de la lucidité et du courage. Qui ignore vraiment que les choses ne se font pas toutes seules, sur la base d’une disposition privilégiée, dans le domaine collectif ?