Histoire, littérature, éducation : les nouveaux progressistes en guerre contre le passé - Par Victor-Isaac Anne
Les Narcisse de la vertu
Un siècle plus tard, un certain progressisme, convaincu d’incarner le sens de l’histoire, a intellectualisé cette abolition du passé pour en faire un programme de société. Ce projet de table rase est incarné par la mouvance woke [dérivé du verbe to wake, “se réveiller”, NDLR]. Le terme s’est répandu aux Etats-Unis après la création du mouvement Black Lives Matter en 2013, avant d’être popularisé sur internet. Il désigne une vigilance accrue face aux injustices raciales et aux “oppressions systémiques”. De proche en proche, cette notion s’est étendue à l’ensemble des revendications de justice sociale. Aujourd’hui, être woke revient à être à l’avant-garde du progrès.
Longtemps, on a sous-estimé le pouvoir de nuisance de cette mouvance. Or, depuis quelques années, cet agrégat de minorités quérulentes occupe une place de choix dans la vie publique. Animés par un fanatisme jamais apaisé, ces mouvements revendicatifs tentent de conformer la société à leurs névroses identitaires. Ces militants, nantis d’un large pouvoir de prescription, ont réussi le tour de force d’imposer un nouvel ordre moral. Celui-ci se présente comme un mouvement d’émancipation et d’ouverture aux paroles “minoritaires” dans des sociétés ontologiquement oppressives.