Le chômage : la faute à la mondialisation ? - Jean-Baptiste Noé


Pour bon nombre de Français, la désindustrialisation, le chômage et la faillite des entreprises ont une cause unique : la mondialisation. C’est elle qui met en concurrence déloyale des pays à bas coûts et les industries françaises, elle qui excite « le dumping social » de pays qui n’ont pas « le modèle social que le monde entier nous envie ». L’histoire économique va souvent à l’encontre des vérités de rue, une histoire qui ne s’entend pas, surtout quand elle contrecarre ces mythes établis. C’est le travail effectué notamment par deux historiens de l’économie, Michel Hau et Félix Torrès, dans leur publication récente Le virage manqué. 1974-1984 : ces dix années où la France a décroché (Les Belles Lettres, 2020) qui démontrent que la réalité économique est passablement différente.

Leur démonstration est appuyée par de nombreuses données. En 1944, la France a fait le choix du socialisme. Pour financer le modèle social, et notamment la sécurité sociale, elle a accru sans cesse les prélèvements et les impôts, puis la dette. Cette adhésion au socialisme a été collective et partagée par la gauche et la droite. Si les auteurs étudient principalement la décennie 1974-1984, ils remontent jusqu’en 1944 pour les grandes lignes de ce programme. La conséquence de cette politique est simple : les entreprises ont été de plus en plus taxées. Ce faisant, elles ont manqué de capitaux pour financer leur modernisation et leur développement technologique. Dès les années 1960, les entreprises françaises sont distancées par leurs homologues européennes. Le choc pétrolier de 1973 a été le coup de grâce. Surtaxées, suradministrées, elles n’ont pas pu soutenir la concurrence internationale et ont dû fermer. La faute n’en revient pas à la mondialisation, mais au boulet fiscal de plus en plus gros qu’elles furent contraintes de tirer derrière elle. Difficile dans ces conditions de gagner la course quand on part avec un tel handicap économique. Espérant se rallier les voix de gauche, Giscard et Chirac ont déroulé le programme du PS. Les Français préférant l’original à la copie, ils ont opté pour Mitterrand en 1981, bien aidés par Chirac. Les deux auteurs dressent l’inventaire de dix années perdues où les dirigeants firent les mauvais choix, confortés et encouragés par une opinion publique qui croyait, à gauche, dans le mythe de la révolution et, à droite, dans le mythe de l’État stratège. Nous n’en sommes pas complètement revenus aujourd’hui.



« Depuis 40 ans… » : la formule fait florès depuis décembre 2018 et le mouvement des Gilets jaunes, jusqu'au président de la République Emmanuel Macron évoquant « quarante années de malaise qui resurgissent ». Le dérapage de la France est connu : désindustrialisation, envol d'un chômage de masse, explosion des déficits, des charges fiscales et sociales, un tournant symbolisé par un budget public toujours déficitaire depuis 1974, quand survient le premier choc pétrolier. Un tournant majeur a en effet eu lieu durant cette année charnière et celles qui l'ont suivie avec l'essoufflement de la croissance dans le monde occidental et, de façon inverse, l'entrée de plusieurs pays du « Tiers-Monde » dans un processus d'émergence et d'industrialisation accéléré. Déficit structurel des échanges, manque de compétitivité de l'industrie nationale… la France est l'un des pays qui se sont adaptés le plus mal à cette nouvelle donne mondiale. Une faiblesse structurelle qui, au-delà du rattrapage des Trente Glorieuses (et de ses illusions) remonte à 1945 et au poids de l'État-providence placé essentiellement sur les entreprises. Au fil des décennies, aucun gouvernement français de droite ou de gauche ne remettra en cause un système soumettant les producteurs nationaux à une véritable taxe douanière à l'envers. Ce handicap est devenu chronique quand la Communauté économique européenne s'est plongée, à partir des années 1970, dans l'océan du libre-échange mondial. Écrit par deux historiens réputés de l'économie et des entreprises, Le Virage manqué dresse le constat clinique du décrochage de la France au cours de la décennie 1974-1984 en analysant ses causes structurelles et son déroulement, sans oublier la responsabilité des gouvernements et des élites nationales choisissant – le gouvernement de Raymond Barre excepté – de faire peser sur l'industrie plutôt que sur les ménages le poids de la contrainte extérieure grandissante de l'économie ouverte et de la mondialisation qui va s'étendre à l'ensemble du globe dans les années 1980-1990.
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