Laetitia Strauch-Bonart : De #MeToo à Black Lives Matter, une religion qui s'ignore
Mettre un genou à terre pour protester contre le racisme est devenu un rituel de l'antiracisme façon Black Lives Matter. Sur Twitter, des Blancs s'excusent désormais pour leurs « privilèges ». Dans le même temps, des intellectuels militants, comme Robin DiAngelo, autrice de Fragilité blanche (trad. Les Arènes, 2020), et Ibram X. Kendi, auteur de Comment devenir antiraciste (trad. Alisio, à paraître), en appellent à une forme de renouveau spirituel pour reconfigurer une société corrompue. Ces faits suggèrent que ce mouvement relève moins d'un appel à un changement politique et social que d'une aspiration de nature religieuse. On peut en dire autant du féminisme contemporain, qui milite pour une quasi-rééducation masculine.
Lire aussi Poser un genou à terre : histoire secrète d'un geste symbolique
Plus précisément, ces grandes causes identitaires font écho à deux pratiques fondatrices du christianisme, la pénitence et la continence. L'antiracisme exige en effet des Blancs qu'ils expient une sorte de péché originel, celui de vivre dans un monde constitué pour eux et contre les autres. Tout ce qu'ils peuvent faire est d'examiner puis de diminuer leurs « privilèges », voire d'y renoncer. Le « genou à terre » a d'ailleurs changé de signification avec le temps, car ce geste de protestation noire, inauguré en 2016 par le joueur de football américain Colin Kaepernick, est devenu un signe de contrition blanche. La confession, quant à elle, se fait devant le tribunal public qu'est Twitter, où les Blancs les plus woke (« éveillés ») reconnaissent leurs erreurs passées. Et quand les entreprises transforment leurs marques pour s'accorder aux nouvelles exigences antiracistes – ainsi Mars veut faire évoluer le logo d'Uncle Ben's et L'Oréal retirer le terme « blanchissant » de ses produits –, on pense aux « indulgences » qu'on achetait à l'Église pour la rémission de ses péchés.
