Régis de Castelnau : Gestion de la Covid-19, faut-il se réjouir que le gouvernement soit éventuellement jugé… ou s’en inquiéter ?

Que signifie l'ouverture de cette enquête pour "mise en danger de la vie d'autrui" du Parquet sur la gestion de la crise du coronavirus par le gouvernement ? Cette enquête peut-elle aboutir ?
gis de Castelnau : Il y a deux façons de répondre à votre question. Tout d’abord quelle est la signification procédurale de cette annonce ? Ensuite qu’elle en est la signification politique, car le moment de l’annonce, et le fait qu’elles émanent du procureur du Tribunal judiciaire de Paris a un sens politique.
Alors la procédure dont on vient de nous informer du début, et ce que l’on appelle « l’enquête préliminaire » qui est une compétence qui appartient à l’autorité de poursuite c’est-à-dire au parquet. Rappelons que si des magistrats forment un corps unique, celui-ci est partagé en deux. Les magistrats du siège d’une part qui doive être impartiaux et par conséquents indépendants, et les procureurs qui sont des fonctionnaires dépendants hiérarchiquement du ministre de la justice. Dans les procès pénaux, ces derniers sont des parties à l’instance comme la défense ou la partie civile. Se sont en fait les « avocats de la République ». Ils ont la prérogative de déclencher les poursuites de rassembler les éléments pour le faire et ensuite de saisir le juge du siège (juges d’instruction, Tribunaux correctionnels ou Cours d’assises). Ils disposent pour ce faire de compétences leur permettant de réaliser des enquêtes. Ces compétences sont plus restreintes que celle d’un juge d’instruction car ces enquêtes préliminaires sont secrètes et pas contradictoires. Lorsque le parquet estime que les infractions sur lesquelles il a enquêté sont établies, il doit saisir le juge du siège, soit un juge d’instruction en demandant l’ouverture d’une « information judiciaire » soit citer directement les personnes concernées devant le Tribunal. Au contraire s’il considère qu’il n’y a pas d’infraction il rend ce que l’on appelle une ordonnance de « classement sans suite » mettant fin à son enquête.
Cela c’est le fonctionnement normal de la justice pénale. Dans l’affaire de la gestion par le gouvernement et par l’État de la pandémie, il est bien évident que nous sommes dans une situation complètement exceptionnelle.
Les précédents du sang contaminé, de l’hormone de croissance ou de l’amiante sont là pour nous rappeler que l’action publique, quand elle est fautive du fait de fautes commises par ses agents, doit elle aussi rendre des comptes au juge pénal.
Alors que penser de cette ouverture alors que nous sommes encore soumis à l’état d’urgence sanitaire et contraints à des réglementations pour certaines drastiques ?
Le moment d’abord, il apparaît clairement que ce qui ressemble à une précipitation reflète la volonté de mettre fin à une forme d’agitation autour de cette question de la responsabilité pénale des décideurs publics pendant la crise. Il sera désormais possible de répondre : « la justice est saisie, laissons la travailler ». Il y a un impératif technique ensuite, puisque d’ores et déjà un grand nombre de plaintes ont été déposées. Le parquet dispose de trois mois pour y répondre pendant lesquels il a le monopole de l’initiative des poursuites. Au bout de ces trois mois, les plaignants peuvent directement saisir le juge pénal en déposant des plaintes avec « constitution de partie civile » et obtenir la désignation d’un juge d’instruction. Je comprends que le parquet de Paris souhaite pour l’instant garder la maîtrise. Parce que c’est la troisième observation, celle relative au parquet qui va diligenter cette enquête préliminaire, celui du Tribunal judiciaire de Paris. Il est en effet dirigé par un magistrat dont chacun doit savoir qu’il a été personnellement choisi par Emmanuel Macron. Et que ce dernier n’a pas se plaindre de la façon dont le parquet de Paris s’est comporté vis-à-vis de lui-même. Brutalité dans la répression des gilets jaunes, utilisation systématique de gardes à vue manifestement illégales, mansuétude vis-à-vis de l’entourage d’Emmanuel Macron et aussi des violences policières. Alors quand vous me demandez si cette enquête peut aboutir, je dois répondre que je ne sais pas, mais que pour l’instant la célérité ne sera pas l’ordre du jour. Et que ministres et fonctionnaires n’ont pas encore trop de souci à se faire.
N'y a-t-il pas un risque de confusion entre la responsabilité politique et la responsabilité pénale du gouvernement dans cette crise ?
Régis de Castelnau : D’abord ce ne sont pas seulement les ministres ou les responsables politiques qui sont concernés par ces mises en cause, mais également les fonctionnaires. Ensuite la démarche pénale vise non pas des erreurs, mais des fautes identifiées commises par un certain nombre de responsables et dont les plaignants prétendent qu’elles sont en lien direct avec le préjudice qu’ils ont subi. Actuellement le débat fait rage sur l’impréparation, la défaillance et les fautes commises par autorités publiques pendant la pandémie.
Dans un État de droit, on va rappeler que les responsables publics, ministre ou pas, restent des citoyens et des justiciables susceptibles d’être jugés par les tribunaux et de répondre de leurs actes individuels, dès lors que ceux-ci peuvent recevoir, une fois établis, une qualification pénale prévue par le code du même nom. Il ne s’agit pas de demander au juge pénal de contrôler l’action des décideurs politiques, mais d’établir au travers d’un débat judiciaire contradictoire la réalité d’un certain nombre de faits, de leur donner une qualification pénale, de prononcer les sanctions prévues par le code et d’indemniser les victimes. Si cela n’était pas possible, parce qu’existerait une immunité pour les agents publics, nous ne serions plus dans un État de droit. Alors évidemment, le contrôle de la politique du gouvernement relève de la compétence du Parlement. Celui-ci apprécie la qualité de cette politique mise en application en application de l’article 20 de la constitution : « le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». En théorie, le pouvoir exécutif a un mandat qui lui a été confié par les élections. Mais la confiance du peuple doit pouvoir accompagner cette mise en œuvre. Le peuple a donc a confié l’expression de sa confiance ou de sa défiance aux parlementaires qu’il a élus et qu’ils exercent en son nom. Pour exercer ce contrôle Parlement dispose de deux prérogatives : tout d’abord pour l’Assemblée nationale le pouvoir de renverser le gouvernement, pour les deux assemblées ensuite les commissions d’enquête parlementaire qui dispose d’un certain nombre de prérogatives d’investigation, et qui produisent des rapports destinés à informer le citoyen électeur.
L’intervention du juge pénal c’est autre chose. Celui-ci n’a aucun jugement politique à former et ne doit pas s’exprimer sur ce que fait le gouvernement. Mais il peut être saisi de faits précis commis par des agents publics qu’ils soient ministres élus ou fonctionnaires. L’accomplissement de leur mission de service public n’en fait pas des citoyens à part, ce sont bien ces citoyens qui peuvent être jugés pour les fautes qu’ils ont commises personnellement. C’est tellement vrai, que le code pénal comporte un certain nombre d’infractions qui ne peuvent être reprochées qu’aux agents publics ! Il est donc savoureux de venir aujourd’hui exiger que ceux-là soient au-dessus de la loi.
Par conséquent, non seulement ces deux « contrôles » ne se superposent pas mais sont compatibles et bien articulés.
Ceux qui prétendent aujourd’hui s’inquiéter de la « judiciarisation » de la vie publique sont les mêmes qui avaient applaudi le raid judiciaire contre le député candidat François Fillon.
Le seul objectif est de mettre à l’abri leurs amis défaillants.
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